Par Laurent Catala
Fin juillet, sur la plage d’Hossegor, dans les Landes, le tout jeune Little festival fera le pari de réunir musique techno, surf et street art. Un mélange plutôt inhabituel. « Aujourd’hui, l’offre et la demande en France sont telles qu’il faut proposer autre chose que de la musique pour se différencier », concède Gael Reboul, le project manager du Little. « Nous sommes quatre associés, amoureux du Sud-Ouest, de surf, de street art et de musique électronique. Nous avons voulu répondre à une demande festive dans la région en nous dirigeant naturellement vers un festival assez conceptuel. » L’ère des festivals uniquement dévolus à leur facette musicale et dancefloor paraît aujourd’hui révolue. Après avoir fait le lit des grands raouts techno des années 90 (de Boréalis à Astropolis par exemple en France), cette approche a cédé la place dans la réflexion des organisateurs à des approches économiques et communautaires plus multidisciplinaires, liées aux nouvelles habitudes de consommation du public, et aux questions de société.
La musique ne fait pas tout
Concepteur et organisateur d’un certain nombre de nouveaux formats festivaliers (More Festival, en lien avec la Biennale de Venise, ou le plus balnéaire Calvi on the Rocks), Édouard Rostand fait aussi partie du binôme de programmateurs du Chamonix Unlimited, un festival qui, parmi d’autres (Hibernation, Snowbombing, etc.), concilie techno et ski. « Au départ, le festival est lié à une marque de skis suivie par des gens assez urbains. À travers le festival mais aussi tout son design, on a d’abord eu l’idée de créer une sorte de point de rendez-vous de la communauté de la marque autour de la musique. » Aujourd’hui, l’idée s’est développée et fidélise locaux adeptes de ski extrême et public touristique plus international. « On a pour autant voulu conserver cette idée d’excellence qui accompagne Chamonix. C’est une station de passionnés, avec un domaine skiable pas facile. Tout cela participe d’un rendu de la fête différent qu’on a voulu traduire dans le festival avec des fêtes accessibles en soirée et d’autres qui le sont moins, dans des refuges ou sur un site comme l’Aiguille du Midi. »
La fête ne serait donc plus la seule finalité d’un festival ? Tout comme Édouard Rostand, qui défend l’idée de soirées pouvant finir tôt « pour permettre aux gens d’aller skier le lendemain », Marjana Jaidi, fondatrice de l’Oasis Festival de Marrakech, mise sur la touche locale et les charmes de la Ville rouge et sur un nouveau modèle économique festivalier. « Pour des personnes étrangères, l’une des choses les plus intéressantes à propos d’Oasis est le charme exotique de la ville. Nous souhaitons d’ailleurs à l’avenir incorporer encore plus d’éléments locaux pour renforcer le lien entre le festival et son pays d’accueil. » Objectif : offrir plus de spécificités à un simple événement musical et festif. « Le line-up est important bien sûr, mais comme on peut toujours voir ses artistes favoris dans plein de festivals proposer une approche plus globale me semble fondamental. »
Prochaine tendance, les festivals hybrides et conceptuels
Du côté du Boom portugais, ce nouveau modèle a déjà fait du chemin en agrégeant progressivement à la perception communautaire autour du fameux site d’Idanha-a-Nova des principes de développement durable et d’économie solidaire permettant de consolider le concept imaginé localement et inscrit dans la durée de « Boomland ». « Au début, le Boom se focalisait principalement sur la musique goa/trance. En s’ouvrant rapidement à la diversité du public et à d’autres genres de musique, il nous est apparu évident d’aller dans de nouvelles directions, indique ainsi Artur Mendes, un de ses managers. Les festivals ont un potentiel énorme en termes de changements sociaux, de bouleversement des mentalités. Ce sont des endroits où les gens s’essayent à de nouvelles expériences et deviennent plus réceptifs à leur environnement. Quand 30 000 personnes se réunissent comme ça, il y a de fortes chances que cela ait un impact sur leur vie. La musique, bien sûr, est essentielle, mais on a pris conscience qu’un festival est aussi un lieu qui peut devenir un véritable outil de transformation collective dans la durée. » C’est en tout cas l’idée derrière le Boomland, qui, outre l’artistique, veut défendre une certaine idée de « la durabilité sociale et environnementale à bâtir ».
Rendez-vous historiques ou manifestations plus récentes, les festivals poursuivent donc leur mutation en jouant les précieux indicateurs de la variété de nos intérêts. Réelle tendance de fond ? « Je vais dans beaucoup de festivals et le concept, la décoration, les animations, les valeurs écocitoyennes et environnementales sont des éléments qui permettent de les différencier, d’y trouver des valeurs qui nous correspondent (ou pas), » acquiesce Gael Reboul, du Little Festival. « Les festivals hybrides et conceptuels sont pour moi une tendance qui va se développer. Elle permet de lier des secteurs ou des organismes qui ne se croisent que très peu souvent mais peuvent être complémentaires. Du point de vue de l’organisateur, c’est aussi un moyen d’élargir la cible et d’attirer des partenaires qui peuvent être intéressés pour associer leur image à quelque chose de novateur. »
Teaser du Little Festival ci- dessous :