Arnaud Rebotini : 5 conseils pour produire de la musique électronique

Écrit par Sylvain Di Cristo
Le 04.03.2016, à 11h51
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Écrit par Sylvain Di Cristo
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Samedi soir, Trax vous réinvite à la Machine du Moulin Rouge. Après la soirée HARD TRAX à 160 bpm en juillet dernier, nous nous acoquinons avec Star’s Music (à l’occasion de son salon de la musique électronique Space In Faders) pour une nouvelle soirée Club Trax avec Mondkopf (DJ set), Crackboy (live), Arnaud Rebotini (live), Fritz & Lang et Modulhater. Dans ce contexte, quoi de plus adéquat qu’un petit cours particulier avec Arnaud Rebotini à propos de production musicale électronique ? Voilà cinq conseils de l’homme-machine aux costumes trois pièces et au cheveux gominés.


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1/ S’acheter du matériel analogique

Aujourd’hui, on peut avoir tous les sons du monde sur un seul laptop avec des logiciels piratés sur Internet, mais aucun de ces sons sont vrais – ce n’est pas une vraie guitare, une vraie batterie, ni même un vrai synthé. En terme de créativité, c’est bon de réduire son champ de prospection. Si vous voulez faire de la musique électronique, de la techno, de la house, il vaut mieux prendre directement les instruments sur lesquels ont été fait ces musiques plutôt que de choisir des copies.

Je conseille toujours le synthé Roland SH-101 parce qu’il a un énorme atout pédagogique, il permet de comprendre la synthèse soustractive analogique. Il est aussi très instinctif, vous ne pouvez pas trop vous perdre avec et il fait partie des synthés qui ont fait l’histoire de la musique électronique.

Arnaud Rebotini / ©Radio Campus ParisArnaud et son SH-101 / © Radio Campus Paris

Pour pouvoir le séquencer (parce qu’il n’est pas MIDI), je conseille le BeatStep Pro d’Arturia. Le Beatstep est un step séquenceur assez instinctif, comme ceux des années 70 et 80, mais est aussi une interface Midi/CV Gate. Cela permet à votre laptop de contrôler votre SH-101.

Le SH-101 a un prix de base inférieur à 1000€. Ce qui est une somme assez faible pour commencer en musique. Il suffit de comparer avec un mec qui veut se mettre au violoncelle où un instrument d’étude de conservatoire coûte au moins de 5000€. Pour un guitariste de rock, une belle guitare c’est déjà 1000€, plus l’ampli et les pédales, il monte à 2000 ou 3000€ sans avoir un matos de dingue. Moi, ça me fait halluciner les mecs qui disent que les instruments électroniques coûtent chers. Ces mecs, ils n’ont pas monté un groupe de rock !

2/ La musique de club doit être simple, efficace et spontanée

Trax : Persévérer pour finir un track ou diversifier ses projets ?

Arnaud Rebotini : Ça dépend, il y a des idées qui t’enthousiasment quand tu les trouves et qui enclenchent rapidement un morceau, d’autres qui t’enthousiasment et qui te lassent, là, tu abandonnes. Après, il y en a qui t’enthousiasment, te permettent d’enclencher rapidement un morceau et qui finalement te demandent du travail, c’est donc parfois plus long…

En terme de musique de club, vous n’avez droit qu’à une seule chance car la plupart des gens en soirée n’ont jamais entendu le morceau que vous jouez et ne l’entendront peut être plus jamais. Cette musique a donc besoin d’être simple, efficace et spontanée.

“Moi, les trucs techniques, je les ai appris surtout en écoutant des disques.”

Mais ça dépend évidemment de ce que vous voulez faire, si vous voulez être numéro un Beatport, il ne faut pas trop intellectualiser votre discours, mais si vous avez envie d’avoir une carrière artistique et de vous exprimer – même à travers la musique de club –, c’est bien de faire quelque chose qui va d’abord remplir la fonction première de ce genre de musique (c’est-à-dire faire danser les gens, qu’ils restent là et qu’ils s’amusent) et éventuellement après, essayer de faire passer un message plus artistique. Il y a ceux qui ne produisent que “la fonction” – et c’est respectable – et ceux qui sont plus attirés par la musique disons “indie”, et qui cherchent à faire un truc qui peut s’écouter à la maison. Pour moi, il faut qu’il y ait de la spontanéité, mais aussi une valeur ajoutée à l’aspect fonctionnelle de la musique de club.

3/ Maitriser le son

Trax : Tu dirais quoi à ceux qui ne jurent que par le software ?

Arnaud Rebotini : Je leur dirais tant mieux pour vous. Après, il y a des styles qui sont vraiment software, comme une partie de l’electronica par exemple, dont la couleur peut être génétiquement plus digitale. Là, je sors un album avec Christian Zanési (Frontières, le 22 avril, ndlr). Pour lui, la question de l’analogique n’a plus vraiment de sens. Il est dans un truc d’avant-garde, dans l’outil digital, les GRM tools… Et tu vois, ça ne me rend pas malade ! Moi-même je peux utiliser des effets digitaux dans mes prods. Ça dépend de la nature du son que vous voulez. Il faut maitriser le son.

4/ Savoir d’où vient la musique

Les gens ont tendance à oublier ça parce qu’il est facile de faire de la musique électronique : tout peut s’exécuter de manière automatique. Tu n’as plus besoin de savoir jouer d’un instrument, d’apprendre à chanter, d’apprendre à produire un disque. Tout peut être fait comme ça maintenant (il claque des doigts), juste parce qu’ils ont décidé d’être musicien, comme ça. Ces gens-là ne s’inscrivent pas dans une culture, une tradition. Quand tu regardes l’histoire du rock et même de la musique populaire occidentale en général, normalement chaque musicien a appris d’un « père », il ont reçu un héritage dans lequel ils peuvent s’inscrire, ou pas. Cela fait partie de leur cursus de musicien, ils doivent maitriser les œuvres des artistes qu’ils veulent précéder. Ils ont donc eu des références précises dans ce style, de part leur éducation propre, et savent exactement d’où provient leur son. Le danger de la musique digitale c’est qu’elle t’affranchit totalement d’un apprentissage, et souvent d’une culture.

Trax : Est-ce que, pour toi, le fait qu’un artiste n’ait pas un solide background musical fait de lui un « moins bon artiste », ou dit autrement, que la musique qu’il a produite est de “moindre qualité” ?

Arnaud Rebotini : S’il n’a pas de bagage ou de culture musicale, c’est qu’il n’aime pas la musique et qu’il est là pour la pose. Donc oui, c’est un artiste moins bon. Mais je connais des jeunes gars qui n’ont jamais appris à faire quoi que ce soit en musique mais qui se sont choisi un style et qui le connaissent hyper bien, même les trucs faits il y a dix ans avant leur naissance. Grâce à YouTube, tu peux te faire une culture musicale, tu peux rattraper ce qu’il te manque. Et d’ailleurs, ces gens-là sont souvent attirés par le hardware. Ils ont compris qu’avec seulement un ordinateur, ils ne pourront pas atteindre ce truc dans le son qu’ils ont aimé, dans la tradition dans laquelle ils ont choisi de s’inscrire.

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Moi, les trucs techniques, je les ai appris surtout en écoutant des disques. J’écoute comment c’est fait, j’écoute les équilibres. Donc la culture musicale, c’est extrêmement important. Le mec qui se pointe complètement seul et qui est génial, je n’y crois pas une seconde.

5/ Connaître son outil, quel qu’il soit

Trax : Mais parfois, avoir une bonne culture musicale ne t’empêche pas de ne pas réussir à faire sonner ton track comme tu le voulais au départ…

Arnaud Rebotini : C’est normal quand tu débutes d’être moins bon qu’après avoir bosser. Il faut se faire son expérience. Il faut connaître son outil, quel qu’il soit. Un ordinateur, une table de mixage, un synthé virtuel… Mais comment les mélanger, qui va avec quoi ? Ça, c’est un apprentissage.



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