Arc’teryx à Chamonix : marcher dans les montagnes, écouter Gilles Peterson, parler de Kaytranada avec BADBADNOTGOOD

Écrit par Clarisse Prevost
Le 29.07.2022, à 19h43
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Écrit par Clarisse Prevost
L’Alpine Academy de la marque Arc’teryx organisait cette année du 30 juin au 3 juillet  la 11ème édition de son festival culturel et sportif dans la  sublime et intimiste Vallée de Chamonix. Au programme de cet intensif et agréable : des DJs sets, du  jazz en altitude, des sessions en montagne et activités ludiques.

Photos : © Guillaume Pradier, Hugo Wirth, Arthur Vaillant, Morgan Bodet

L’archéoptéryx, littéralement “aile antique” est genre de dinosaures aviens et théropodes pourvu de plumes et de dents dont le premier fossile a été découvert en 1861 près de Langenaltheim (Allemagne) il y a environ 150 millions d’années. C’est aussi l’animal fossile qui a inspiré le logo d’Arc’teryx, marque canadienne fondée en 1989 par des grimpeurs et qui est spécialisée dans les vêtements et équipements haut de gamme et ultratechniques pour les sports de montagne et courses de trail. Aujourd’hui, ses design minimalistes, utilitaires et innovants ont séduit amoureux de sports, artistes, fashionistas et autres individus au point d’ériger l’entité en véritable phénomène de mode qu’on pourrait qualifier de normcore.

Arc’teryx – marque de passionnées, pensées pour des passionnés – organise chaque année via ses académies un ensemble d’évènements dédiés à l’apprentissage de pratiques sportives dans un contexte festif, culturel et au coeur de la nature. Cette année, l’Arc’teryx Alpine Academy présentait du 30 juin au 3 juillet 2022 la 11ème édition de son festival au sein de l’Alpine village de la ravissante vallée de Chamonix, située entre les massifs montagneux des Aiguilles Rouges et du Mont Blanc.

Pendant 4 jours et à 1035 mètres d’altitude, l’Académie propose une quarantaine de sessions en montagne entre trail, alpinisme, photographie, escalade et sensibilisation à la faune et la flore, le tout guidé par une fine sélection de guides-experts . Dans le village, de nombreux ateliers sont également mis en place toute la journée permettant aux participants de découvrir la technologie des produits de la marque – cela par le biais de test des équipements (notamment la technologie Gore-Tex, qui participe à sa belle réputation) mais également par la fabrication ludique de produits pour soi.

Le soir – lorsque tous les amateurs de montagne rentrent de leurs activités — qui pour certaines prévoient des départs avant le lever du jour — les DJs commencent à mixer dans le centre de l’Alpine Village et l’atmosphère est à la décontraction et la rencontre. L’intermission est incarnée par une projection outdoor de films-documentaires et conférences enrichissantes. En tant que festival de véritables épicuriens, la fête continue après et se poursuit chaque soir à la Maison d’Artiste, lieu cool et chaleureux de Chamonix où l’on a notamment assisté aux performances live du chanteur français de néo-soul, Oscar Emch, du trio techno-pop PPJ – pour Paula, Povoa & Jerge ou « pépéjota » – ainsi que le soundsystem de l’entité Hotel Radio Paris, dont la tête pensante – Jean-Charles Leuvrey – est la personne derrière la superbe curation musicale du festival .

La grande nouveauté de cette nouvelle édition est la création de la stage “The Scene”. Située à Planpraz à 2000 mètres d’altitude, c’est en téléphérique qu’il faut la rejoindre afin d’accéder à cet incroyable face to face avec le Mont-Blanc. Pour marquer le coup, Jean-Charles et Arc’teryx décident d’inviter deux grands noms pour deux live shows , il faut l’admettre, en harmonie parfaite avec le cadre majestueusement naturel, l’atmosphère légère, spirituelle et extatique de l’expérience.

20h:00, brise agréable, soleil, la batterie d’Alexander Sowinski commence à résonner suivie des instruments des autres membres de l’éminent jazz band canadien : BADBADNOTGOOD. Pendant une heure, les musiciens originaires de Toronto ont communié avec la nature environnante livrant un show organique, doux et dramatique, merveilleux et inquiétant, ADN de leur musique et notamment de leur dernier album Talk Memory, 8-titres sorti en 2021. Cet élégant concert est adéquatement suivi d’un sublime DJ set mêlant UK garage, disco, soul, amapiano, house, acid-jazz et hip-hop de 1H30 du grand Gilles Peterson, animateur historique de la BBC et digger émérite qui a lancé en 2016 sa successful web-radio Worlwide FM.

C’est drôle parce que Gilles Peterson joue aussi aujourd’hui et j’écoute son émission une fois par semaine  tous les samedis. Il a commencé à inclure nos reprises sur youtube de 2011 dans ses mix et c’était notre première exposition à l’époque.” répond le batteur de BADBADNOTGOOD lorsqu’on lui demande comment il dig de la musique. L’harmonie encore une fois étant parfaite, on vous laisse lire notre interview avec le groupe, avec qui on a discuté de leurs carrières, Kaytranada, les jeux-vidéos, le cinéma, l’architecture, la paix et la joie.

Guys, vous êtes tous originaires de Toronto ? Ça a commencé comment la musique là-bas, pour chacun de vous ?

Chester Hansen  : J’ai grandi à Mississauga qui est dans la banlieue de Toronto puis j’ai déménagé à Toronto au lycée. Ce déménagement a été déterminant pour moi, ça m’a permis de ne pas m’enfermer dans un lifestyle de banlieusard : séparé de l’accès à la culture, à la musique, à l’art et à d’autres choses. J’ai commencé à jouer dans des groupes, ce qui a été un autre grand changement dans ma vie. Je suis devenu actif musicalement, avant ça j’étais un peu isolé dans mon coin.

Ce n’est pas toujours si mal de vivre en banlieue, tu te concentres sur tes passions et tu deviens talentueux dans ton truc, devenant un peu obsédé parce que tu n’as rien d’autres à faire.

Alexander Sowinski : Oui tout à fait, et tu rêves beaucoup.

Leland Whitty : Moi j’ai grandi à Toronto. Je pense que j’ai été immergé dans la musique dès mon plus jeune âge, donc j’ai commencé à beaucoup m’y investir et à collaborer avec des gens, à jammer. Toronto était une ville formidable pour grandir. 

Chester Hansen : J’ai été en banlieue pendant longtemps et puis j’ai commencé à me faire des amis au lycée et à jouer de la musique avec eux. Mes parents m’ont également exposé à la musique à un âge précoce. Ma mère, ma grand-mère, ma grand-tante..

Qu’est-ce que vous écoutiez à l’adolescence ?

Chester Hansen : Tout. Du pop punk, du ska, du reggae. On aime vraiment la fin des années 90, le début des années 2000, tout ce qui était pop à l’époque : Sum 41, Eminem, 50cent, tous les numéros (rires).

Et comment vous êtes-vous rencontrés ?

Chester Hansen : Alex et moi avons déménagé à Toronto pour aller au lycée ; nous jouions tous les deux dans différents groupes respectifs. Nous n’avons jamais été dans le même groupe mais nous avons joué lors de mêmes concerts, mais le reste du groupe s’est rencontré à l’université où nous étudiions la musique.

Pouvez-vous me parler un peu de votre processus artistique en tant que groupe. Est-ce que vous travaillez de votre côté, l’un peut commencer une mélodie; est-ce que vous organisez des jams et tout en découle ?

 Alexander Sowinski : La plupart du temps on est juste assis dans une pièce, on apporte ce qu’on ressent ou ce qui nous inspire, quelque chose qu’on espère utiliser, un matériau comme créer. Soit je joue de la batterie, soit c’est un tempo ou un groove et puis on crée un environnement ouvert pour jouer des idées. Et alors, peut-être que quelque chose se met en place et quelqu’un dit ” j’aime ça, essayons ça”. C’est toujours spontané, mais on essaie vraiment de garder un format ouvert pour permettre à cet espace d’être collectif.

Kaytranada est une personne incroyable avec qui travailler. C’est évidemment un producteur et son ordinateur est un outil incroyable pour faire des beats et créer des chansons mais il est super à l’aise pour entrer dans notre monde, jouer des synthétiseurs, des percussions.

Alexander Sowinskui

Pendant cette session, invitez vous souvent d’autres artistes ?

Leland Whitty : Parfois, oui. C’est de plus en plus fréquent ces derniers temps. Le fait d’avoir l’énergie de quelqu’un d’autre dans la pièce nous motive, ça change tout (et même s’ils ne font pas de musique). Et ça nous force à sortir de notre zone de confort et c’est aussi agréable de rencontrer d’autres esprits, de nouvelles émotions.

Vous vous nourrissez, partagez les sensibilités. Y a-t-il quelqu’un avec qui vous aimeriez travailler ou avec qui vous avez déjà travaillé et avec qui vous aimeriez retravailler ?

Alexander Sowinski : Nous avons vu beaucoup d’artistes intéressants lors des concerts et des festivals auxquels nous avons participé dernièrement, comme Kaytranada – en Italie – et qui est un bon ami. C’est une personne incroyable avec qui travailler. C’est évidemment un producteur et son ordinateur est un outil incroyable pour faire des beats et créer des chansons mais il est super à l’aise pour entrer dans notre monde, jouer des synthétiseurs, des percussions. Il capte des choses différentes, donc c’est vraiment cool d’accéder à la musique avec lui d’un point de vue très différent. Il allait à l’université pour étudier les arrangements, la musique et la production et maintenant touche à tout : house, soul, jazz. Son cerveau est super pointu et il est très entraîné, pas dans le même genre d’expérience que nous, donc c’est plutôt cool, amusant et spontané.

Je me souviens que lorsque j’étais adolescent, il a fait un très beau remix de “Kaléidoscope”. Il est incroyable, absurde atmosphère.

Leland Whitty :  Exactement. C’est comme ça qu’on s’est rencontrés.

Chester Hansen : C’était une chanson bizarre à remixer.

Alexander Sowinski : C’est un super remix. D’ailleurs, je suis en train de lire le livre de J Dilla – Dilla Time: The Life and Afterlife of J Dilla, the Hip-Hop Producer Who Reinvented Rhythm –  et j’ai toujours pensé qu’il y avait un parallèle évident entre Kaytranada et J Dilla en termes d’esprit musical très clair, toujours en train d’étudier et de rechercher la musique de distinctes parties du monde, des années 60, 70 et 80. Il essaie toujours de repousser les limites, d’apporter de nouvelles idées, d’explorer et de générer quelque chose de différent, sans rester dans une seule voie. Je pense qu’il porte vraiment le flambeau et particulièrement dans les morceaux dansants qui vous font ressentir beaucoup de choses.

” Je préfère qu’un gars du groupe me dise d’écouter un album ou que je tombe quelque chose au hasard, et ainsi on a une raison spéciale d’écouter un morceau plutôt que de suivre ce que notre algorithme nous dit de regarder, ” tu devrais écouter ça “.

Chaque morceau qu’il crée est un banger, c’est ça le truc (rires).

Chester Hansen : il a tellement d’unreleased qu’il nous a fait écouter en studio et chacun d’entre eux pourrait être sa meilleure chanson (rires). 

J’étais à son concert à Paris la semaine dernière, il y avait tellement de gens et tellement de gens différents. Pendant 2 heures c’était banger banger banger banger, tu ne vas même pas prendre un verre parce que tu veux pas rater 1 seconde du set. Vous comptez bientôt retravailler ensemble  ?

Alexander Sowinski : Nous n’avons pas eu l’occasion de faire de la musique avec lui depuis un moment donc j’espère que nous aurons du temps en studio ensemble. Cela fait quelques années donc ce serait vraiment bien.

Est-ce que vous digger de la musique régulièrement ? Je sais que beaucoup d’artistes ne le font pas parce qu’ils disent que ça peut aller à l’encontre de leur propre inspiration et influencer leur musique, donc ils se disent “je ne regarde pas ce qui se passe”. 

Chester Hansen : On écoute plus de musique old school donc c’est difficile pour nous de suivre les nouvelles sorties ; je préfère qu’un gars du groupe me dise d’écouter un album ou que je tombe quelque chose au hasard, et ainsi on a une raison spéciale d’écouter un morceau plutôt que de suivre ce que notre algorithme nous dit de regarder, ” tu devrais écouter ça “.

Mais je pense que la musique instrumentale est une chose étrange, je pense que nous avons toujours lutté avec cette question :”qu’est-ce que cela signifie” parce que nous n’avons pas de paroles.

Chester Hansen

Oui, vous sortez du mode consommateur. Et est-ce que quelqu’un vous a fait découvrir quelque chose que vous avez vraiment aimé récemment ?

Alexander Sowinski : C’est drôle parce que Gilles Peterson joue aussi aujourd’hui et j’écoute son émission sur Worldwide Fm une fois par semaine  tous les samedis. Il a commencé à inclure nos reprises sur youtube de 2011 dans ses mix et c’était notre première exposition à l’époque. Son émission est superbe, on y découvre tellement de sons : des vieux disques, des nouveaux disques, des rééditions, des trucs de dance, de jazz, du hip-hop. Ça me plaît d’écouter des morceaux que nous ne ferions probablement jamais, de la musique contagieuse, étonnante : amazing to ride in your feelings . Et surtout le format du mix diffère de l’écoute entière d’un même disque. Écouter une sélection, la façon dont elle se fond dans d’autres chansons….

C’est une histoire. C’est comme un roman musical. Et vous mixez aussi ?

Alexander Sowinski : Dans le passé, un peu. Mais ça m’inspire beaucoup.

Chester Hansen : c’est une chose amusante à faire… 

Leland Whitty :  Je pense que c’est le même genre de choses. J’ai l’impression que chercher du son nous priverait de notre vision artistique parce que c’est tout ce qu’on a.  Surtout que nous faisons de la musique instrumentale et que nous avons travaillé très longtemps avoir d’avoir développé notre son – en tant qu’individus et en tant que collectif. Même si nous essayions – peut-être de faire un nouveau genre –  nous aurions peur de perdre notre identité.

Alexander Sowinski : Un truc bien dernièrement ? C’est qui déjà le mec de Jesus is my Jam ?

Chester Hansen : OG Jigg.

Alexander Sowinski : C’est comme un saxophone ambiant. Un son à la Sam Gendel. 

Votre musique est élégamment dramatique, profondément cinématographique — tout le monde doit vous le dire tout le temps. J’ai l’impression que ce serait l’arrière-plan parfait pour une utopie comme pour une dystopie d’ailleurs. Quelque chose de beau et d’absurde. Quelle en est l’origine selon vous ?

Chester Hansen : Le monde est toujours utopique et dystopique, mais il semble plutôt dystopique en ce moment. Mais je pense que la musique instrumentale est une chose étrange, je pense que nous avons toujours lutté avec cette question :”qu’est-ce que cela signifie” parce que nous n’avons pas de paroles. C’est comme ” qu’est-ce qu’on essaie de créer avec le son ?

Alexander Sowinski : Dans le passé, nous avons exploré tous ensemble. C’était une façon immature de créer de l’émulation, de faire quelque chose qui n’avait jamais été créé. Je pense que maintenant nous sommes arrivés à un point où nous voulons créer et explorer ensemble comme un moyen de partager la connectivité et l’expérience plutôt que d’essayer de créer de l’art sur certaines plateformes. C’est ce sur quoi nous nous sommes beaucoup concentrés parce que nous étions à fond dans le jazz mais maintenant nous sommes un peu plus à l’aise avec qui nous sommes et la façon dont nous jouons. Nous voyons vraiment le monde et notre expérience de faire ce groupe comme un privilège, environnement unique que nous chérissons et avec lequel nous nous amusons beaucoup.

“Penser à la musique comme un sentiment, avec l’imagerie et l’espace de vie. Trouver quelque chose que la musique signifie visuellement pour toi, qui réponde à ton imagination.”

Donc quand il s’agit de faire de la musique et qu’elle revêt un aspect cinématographique, c’est parce que quelqu’un a regardé un super film et a écouté des bandes originales. Mais nous travaillons aussi avec un ami qui fait de la projection et cela a fait partie de l’inspiration pour l’album Talk Memory.  Penser à la musique comme un sentiment, avec l’imagerie et l’espace de vie. Trouver quelque chose que la musique signifie visuellement pour toi, qui réponde à ton imagination.

Vos vidéos sont également cinématographiques. Êtes-vous derrière leur direction artistique ?

Chester Hansen :  Quand tu fais une chanson, c’est comme si tu avais quelque chose dans ta tête, comme ” oh ça ressemble au feu, ou à la forêt “, puis quelqu’un crée une vidéo qui ressemble à des fées ou à quelque chose de totalement différent, c’est juste cool de voir ce que les gens entendent et expriment visuellement à partir de ça.

Mais finalement ça colle aussi..

Chester Hansen :  Oui, exactement. Quand on écoute un album pour la première fois et qu’il vous frappe vraiment, je pense que je peux généralement dire à quel moment c’était dans ma vie. Et penser à la mise en scène visuelle de cet album, ce qui donne l’impression d’une relation avec d’autres personnes, la musique et d’autres aspects. C’est notre base pour créer, en espérant atteindre cela sans forcer.

Juste un processus fluide, un processus fluide et sensible. J’ai vu que vous aviez déjà créé de la musique pour des films ? 

Alexander Sowinski :  Plusieurs, oui. Leland vient d’ailleurs de réaliser un court métrage.

Leland Whitty :  Oui, il s’appelle Disappearance at Clifton Hill. C’est une expérience incroyable mais difficile parce que vous vous appuyez vraiment sur le contenu et l’imagerie émotionnelle du film lui-même, ce qui vous enferme un peu. Mais je pense que la contrainte est une excellente chose pour la créativité et qu’elle nous aide à créer de la musique que nous n’aurions jamais faite autrement. Je pense que cela nous a beaucoup appris sur la façon dont nous avons abordé l’album Talk Memory : se tenir à un thème, le développer au fil du temps, explorer l’idée musicale qui se développe et nous fait voyager . Nous avons essayé d’appliquer cela même à des choses hors contexte, comme l’imaginaire musical du film et le développement d’idées. Nous l’avons fait sur cet album mais nous essayons de l’étendre au-delà de ça aussi…

Et les jeux vidéo ?

Alexander Sowinski : On a engagé un gars qui fait des vidéos incroyables de skate pour faire le clip d’un morceau. Lui et une bande de super skaters de Toronto sont sortis et ont filmé des sessions pour s’amuser. Et c’est aussi avec les jeux vidéo qu’on a découvert beaucoup de musique en grandissant : Spike Jonze, David Bowie; des chansons bizarres dans les jeux Tony Hawk, Zelda et Donkey Kong.

J’ai mis ce morceau “The Chocolate Conquistadors” avec MF DOOM (Prod. BADBADNOTGOOD) dans une playlist de sync jeux vidéo puis je me suis dit damn c’était déjà pensé pour Grand Theft Auto.

Alexander Sowinski : Oui c’était un remix que Gilles Peterson nous a demandé de faire pour GTA – la boucle est bouclée. Je me souviens que j’avais une Xbox et qu’on pouvait y graver des CD, alors j’ai gravé des les Red Hot Chili Peppers et de la musique punk bizarre. Je jouais en écoutant ma musique.

J’ai vu que Gilles a aussi son propre personnage et sa radio dans GTA. C’est incroyable. C’est quelque chose que vous aimeriez faire plus souvent, faire de la musique pour des jeux ?

Chester Hansen : Absolument.

Et tout comme l’histoire. Nous étions en Italie l’autre jour – la même chose en France, mais – vous savez, ils ont ces bâtiments de 1750 et c’est juste une banque, ce n’est même pas un musée, c’est juste normal. (Rires) C’est tellement cool.

Chester Hansen

Alexander Sowinski : C’est le type de format qui est vraiment amusant et unique parce que la musique n’est pas seulement pour un segment. Cela peut être une boucle ou une toute petite partie du moment où un personnage entre dans une pièce.

Chester Hansen : Exactement. Comme si chaque objet avait un son. Si vous ouvrez une boîte, ça fait ” doudoudou ” (Rires)

Alexander Sowinski :  Et le son de l’accomplissement ? “Doudoudoudoudou”.

Chester Hansen : Oui, exactement (rires)

Êtes-vous inspiré par d’autres médiums artistiques, votre direction artistique est vraiment poétique ? La poésie, la littérature, l’architecture et autres médiums ?

Alexander Sowinski :  Totalement. Les films, les livres, le design, l’architecture. Comment ces choses vous font sentir, comment un espace vous fait sentir, comment interagir avec quelque chose vous fait sentir, tout comme la musique, en soit. Surtout en Europe. Toronto n’est pas un endroit très ancien donc il y a certains créatifs qui ont de bonnes idées mais pour la plupart pas vraiment. C’est vraiment rafraîchissant de venir dans cette partie du monde.

Chester Hansen : Et tout comme l’histoire. Nous étions en Italie l’autre jour – la même chose en France, mais – vous savez, ils ont ces bâtiments de 1750 et c’est juste une banque, ce n’est même pas un musée, c’est juste normal. (Rires) C’est tellement cool. On a joué au festival Jazz à Viennes – dans le sud de la France – dans un amphithéâtre vieux de mille ans et dedans ils organisent juste des concerts (Rires). 

Gilles Peterson a aussi son festival dans le sud de la France, à Sète.

Alexander Sowinski : On a joué là aussi, celui-là est dans un  magnifique petit amphithéâtre au bord de l’eau. Mais nous ne faisons pas de choses comme ça à Toronto. Vous avez tous ces lieux historiques intérieurs, pas d’espaces extérieurs. 

On éponge tout sans savoir comment cela va être traité dans notre tête et notre cœur.

Alexander Sowinski : Oui, et comme tu rencontres des gens qui sont dans des niches comme le cinéma ou le design de meubles, c’est vraiment cool d’en apprendre plus sur les différents médiums, idées et métiers parce que même la technique est différente.

Quels sont les artistes français que vous aimez ?

Chester Hansen : Serge Gainsbourg, Claude Debussy, Air

Alexander Sowinski :  Cortex, Daft Punk. Charlotte Gainsbourg a des trucs cool.

“Rester assis tranquillement, c’est très difficile à faire. Aller me promener. Faire quelque chose qui n’implique pas d’être bombardé par des informations.”

Comment vous préparez-vous pour un concert ?

Alexander Sowinski :  On se voit, on décide des tracks qu’on veut jouer, on essaie peut-être de nouveaux matériaux. On aime bien reproduire l’énergie qu’on a lorsqu’on joue en studio. Et sur scène, c’est très ouvert car tout le monde – les autres aussi – peut apporter quelque chose avec ses sentiments, permettre notre expression.

Chester Hansen : Oui, exactement. Chaque concert est différent même si nous jouons les mêmes chansons. Beaucoup de choses se passent alors l’énergie change.

Vous venez de sortir le nouveau single “Open Channels”. Que signifie ce titre pour vous en termes de sentiments et d’atmosphères ?

Leland Whitty  : C’est comme un morceau qui marque la fin du saison Quand l’idée est venue, nous ne jouons pas vraiment en temps, il n’y avait pas de direction spécifique. Nous essayons de faire ce que nous faisons en live quand tout le monde essaie de prendre une direction, mais nous l’avons fait en studio donc oui, c’est vraiment libre et expressif. Nous avons fait l’inverse des sessions en studio. C’est difficile à expliquer.

Alexander Sowinski : Quand nous avons produit le matériel pour l’album, je pense que nous avons voulu arrêter de théoriser, de penser aux compositions et à l’écriture comme nous l’avons fait dans le passé. On a fait le contraire de la formule de base. Donc c’est vraiment relâché, on pousse et on tire, on fusionne et on laisse les choses se fondre autant que possible. Et alors peut-être qu’elles se rejoignent dans une certaine potion. L’idée de ce morceau de musique, c’est d’avoir quelque chose où tout peut aller, mais à un certain point, quelque part, on trouve une sorte de ligne après un certain drame.

Je comprends l’importance de la connectivité entre les humains et le soutien. Et pas seulement des liens du sang, mais aussi des amis, la communauté. Et vraiment valoriser les gens et ne pas avoir peur de parler à quelqu’un, de lui dire combien il compte pour nous.

Alexander Sowinski

Dernière question. Qu’est-ce qui vous apporte la paix et la joie ?

Chester Hansen : Être dans la nature, passer du temps avec mon chien et mon partenaire, faire de la musique avec ces gars-là, lire, cuisiner. Rester assis tranquillement, c’est très difficile à faire (rires). Aller me promener. Faire quelque chose qui n’implique pas d’être bombardé par des informations.

Alexander Sowinski : Depuis le covid, je me rends compte que la famille m’apporte beaucoup de paix. J’essaie vraiment de me rapprocher de ma famille, de mes parents, frères et sœurs, oncles, etc. Le fait d’avoir tout juste eu un bébé est devenu le sujet croustillant de mon cercle familial. Je comprends l’importance de la connectivité entre les humains et le soutien. Et pas seulement des liens du sang, mais aussi des amis, la communauté. Et vraiment valoriser les gens et ne pas avoir peur de parler à quelqu’un, de lui dire combien il compte pour nous. Surtout maintenant, parce que nous sommes très occupés et que nous ne voyons plus nos amis aussi souvent. Et pendant toutes ces périodes d’isolement, nous ne pouvions voir personne, alors c’est vraiment agréable d’être présent et de partager un sentiment honnête avec quelqu’un.

Leland Whitty : Je dirais la famille et la nature, toutes ces choses que les gars ont mentionnées. Et nous sommes tous reconnaissants pour toutes ces opportunités, voyager,  jouer de la musique.  Je savais que ça allait être bien ici à Chamonix, mais il n’y a rien de tel que de voir ce que nous avons sous les yeux. L’incertitude et la frénésie de ce rythme vous obligent aussi à apprécier la vie à la maison, l’amour et le soutien que nous recevons tous de nos familles et de nos amis.

Alexander Sowinski :  Voyager est un énorme privilège, mais cela vous rappelle que le monde est à la fois immense et très petit. Il peut nous faire sentir ridicule, pas si important que ça – au cours d’une vie. Alors on essaie vraiment de comprendre et d’apprécier les choses qui nous entourent, de rencontrer des belles personnes comme toi, d’avoir de belles conversations. C’est très valorisant et ça nous apporte beaucoup de paix.

Bref, on vous laisse relire notre article sur le son qu’ils ont dernièrement sorti avec Daniel Caesar.

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