Apple Music s’ouvre au mix et remunère les artistes

Écrit par Théodore Hervieux
Photo de couverture : ©Flying Lotus, dans une publicité pour Apple.
Le 16.03.2016, à 11h30
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©Flying Lotus, dans une publicité pour Apple.
Écrit par Théodore Hervieux
Photo de couverture : ©Flying Lotus, dans une publicité pour Apple.
Dubset, à la tête d’une puissante technologie d’identification musicale, vient d’annoncer un partenariat avec Apple Music qui permettra à cette dernière de mettre en ligne plusieurs milliers de mixes auparavant interdits, faute de licences adéquates. Le début d’une révolution pour le streaming ?


La course au tout streaming est lancée. Dubset, un distributeur américain spécialiste de l’identification numérique, vient de signer un partenariat avec Apple Music, la deuxième plus grosse plateforme de streaming au monde. Cet accord permet à Apple de mettre légalement à la disposition de ses utilisateurs plusieurs milliers de mix auparavant interdits faute de licence adéquate. Les deux firmes s’engouffrent ainsi dans une brèche laissée béante depuis longtemps.

Car le mix, véritable casse-tête juridique, peut compter jusqu’à plusieurs centaines d’ayants-droit. Selon le PDG de Dubset Stephen White, contacté par Billboard, un mix classique compte en moyenne 25 à 30 tracks, ce qui nécessite le versement de royalties à autant de labels, en plus de deux à dix éditeurs pour chaque titre. Faites le calcul… Devant cet imbroglio administratif, beaucoup de plateformes avaient baissé les bras, à l’instar de Soundcloud ou Spotify. Et c’est là que Dubset entre en scène. Contrairement à d’autres, le distributeur s’appuie sur deux technologies distinctes, MixBank et MixScan (scrollez jusqu’au bout de l’article pour comprendre leur fonctionnement), afin de décortiquer les mix, d’identifier clairement les musiques utilisées et leurs ayants-droit, et de procéder ainsi au paiement des labels et éditeurs concernés.

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Les plateformes de streaming, que ce soit Spotify avec ses 30 millions d’abonnés ou Apple et ses 11 millions, se heurtent en effet depuis quelques temps à un problème de taille : la musique, de plus en plus standardisée et verrouillée par le droit d’auteur, va à contresens de l’évolution. La prolifération de contenus générés par les utilisateurs (notamment les mix, remix et mashups), et l’impossibilité rencontrée par ces mêmes personnes pour les mettre en ligne (dû au blocage exercé par les droits d’auteur) sont sans aucun doute les deux explications à la désertion d’un bon nombre d’internautes désireux d’aller voir ailleurs.

La fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI en anglais), chargée de faire respecter dans le monde entier les droits d’auteur de l’industrie du disque, estime que 20% des internautes à travers le monde écoutent régulièrement de la musique par l’intermédiaire de services sans licence, et donc illégaux. Ils représentent bien évidemment une manne financière colossale, sur laquelle veulent faire main basse la plupart des professionnels de la musique : artistes, labels, services en ligne, etc.

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Mark Lawrence, président de l’association pour la musique électronique (AFEM en anglais, une association qui défend les artistes de la mouvance électronique à travers le monde et dont fait partie Dubset), est de cet avis : “La musique électronique est trop souvent consommée gratuitement. Ce genre a grandi main dans la main avec l’évolution rapide du streaming et des services numériques, et malgré des milliards d’écoutes, la plupart des artistes et ayants-droit ne gagnent que très peu en comparaison de leurs semblables dans la musique pop. C’est un premier pas pour corriger ce déséquilibre”, rapporte-t-il ainsi dans DJ Mag.

Même son de cloche du côté de Tommy Vaudecrane, président de Technopol, une association de défense des cultures électroniques en France et surtout initiatrice de la fameuse Techno Parade qui enflamme chaque année les rues parisiennes entre Port-Royal et République. “Cette technologie apporte aujourd’hui une précision à mon avis jusqu’ici inégalée. J’incite d’ailleurs les labels et éditeurs de tout horizon à venir enrichir ce catalogue, pour que les possibilités de rémunération puissent augmenter.” Il reste toutefois prudent : “On verra comment cela fonctionne. Est-ce que Dubset rémunèrera directement les artistes ? Ou est-ce qu’il se bornera à l’identification et que ça passera par la Sacem ?”


Tommy Vaudecrane, président de l’association Technopol ©Melty

Quoiqu’il en soit, Dubset voit loin et ambitionne déjà de lancer le même type de partenariat dans le monde entier : “Apple n’est que le commencement. Le but est d’apporter ce dispositif aux 400 autres distributeurs du monde entier. Quand on réfléchit à cette création de millions d’heures de contenu, c’est une monétisation conséquente pour l’industrie”, écrit ainsi Stephen White, son PDG, à Billboard.

Quant à Tommy Vaudecrane, il imagine déjà les retombées qu’une telle technologie aura ici en France : “La prochaine étape, c’est un boîtier équipé de cette technologie dans tous les festivals. Cela permettra d’adapter les taux que l’on reverse à la Sacem, et aussi de rémunérer les artistes dont la musique a été jouée de manière beaucoup plus transparente.”

MixBank et MixScan, les deux mamelles de Dubset

La première technologie, MixBank, confronte les enregistrements contenus dans le mix à la base de données de courts extraits audio (trois secondes) de Gracenote, une autre firme spécialisée dans l’identification numérique et à la tête de laquelle se trouvait Stephen White avant de rejoindre Dubset. Selon lui, chaque extrait peut être associé jusqu’à une centaine de tracks différents. 

Un second programme, MixScan, serait quant à lui en mesure de déterminer précisément à quels endroits les différents tracks commencent et se terminent dans le mix, avant d’identifier les ayants-droit de chacun grâce aux multiples partenariats que la firme a prévus. Dubset a d’ores et déjà annoncé avoir obtenu l’accord d’environ 14.000 labels et éditeurs.

L’entreprise new-yorkaise a également imaginé tout un système de règles au bénéfice des ayants-droit, qui peuvent à leur guise “blacklister” un artiste, un album, ou un titre en particulier, limiter la durée d’utilisation d’une chanson au sein d’un mix ou d’un remix, voire interdire l’association d’un artiste avec un autre. En bref, les artistes disposent d’une myriade d’options leur permettant de contrôler en aval l’utilisation de leurs créations. Plus que la technologie, c’est bien ce nouveau système de diffusion qui se révèle révolutionnaire.

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