Cet article est initialement paru en mars 2013 dans le numéro 163 de Trax Magazine.
Par Alexis Le-Tan
Le premier disque que tu as acheté ?
Je vais avoir 50 ans cette année et, à mon âge, ce genre d’information est souvent faussée par ce qu’on a envie de croire. La légende aimerait que ce soit “See My Baby Jive” de Wizzard ou “Solid Gold Easy Action” de T-Rex, mais dans la réalité c’est probable que ce soit quelque chose de beaucoup moins cool, comme “Ernie (The Fastest Milkman in The West)” de Benny Hill !
Tu écoutais beaucoup de musique chez toi quand tu étais jeune ?
Mon père écoutait beaucoup de jazz, Neil Diamond et Bread, mais uniquement le dimanche après le repas de famille. C’était un rituel quasi religieux. J’ai aussi appris récemment que ma mère adorait jouer du piano, mais elle ne le faisait jamais devant nous. Ma passion a réellement commencé lorsque j’ai découvert le glam rock. Ce nouvel univers coloré et décalé est vite devenu une échappatoire pour me sortir de mon quotidien de banlieusard. Mais c’est en 73 ou 74 alors que le film That’ll Be The Day venait de sortir que j’ai eu ma première révélation. David Essex et Ringo Starr jouaient dans ce film qui parlait de la transition entre le rock’n’roll et le rhythm & blues au début des années 60. La bande-son contenait toutes sortes de morceaux incroyables et un jour, en fouillant dans mon garage, je suis tombé sur une boîte poussiéreuse remplie de 45 tours. En les écoutant, je me suis rendu compte que c’était tous les morceaux qui figuraient dans ce film. Mon obsession pour le vinyle s’est confirmée à cet instant. Les émissions de John Peel sur Radio 1 étaient la prochaine étape. Je me cachais sous les couvertures pour l’écouter, car ça passait un peu tard, mais ce monde secret contribuait à l’excitation constante que me procuraient toutes ces nouvelles découvertes.
C’est suite à cet épisode que tu as commencé à collectionner des vinyles ?
Ma collectionnite est arrivée un peu plus tard, en découvrant le punk et le post punk. C’est en lisant et écoutant des interviews de ces musiciens qui parlaient aussi bien de reggae que de rockabilly, qu’un autre univers musical s’est ouvert à moi. Comme c’était impossible d’entendre ce genre de sons à la radio, je commençais à fréquenter les disquaires locaux afin de pouvoir creuser le sillon. Il y avait une boutique qui s’appelait Revolution à Windsor, pas très loin de chez moi. Dès qu’un disque que je voulais allait sortir, je prenais mon vélo et fonçais à toute blinde pour être sûr de ne pas le rater. Le tenancier me donnait toutes sortes de conseils et a largement contribué au début de ma culture musicale.
Depuis cette époque, il m’est arrivé plein d’histoires farfelues en rapport avec l’or noir, c’est comme une grande chasse au trésor qui ne s’est jamais arrêtée. Je ne suis pas le genre de personne qui éprouve de la satisfaction à acheter des disques en ligne, ça enlève une grande partie du plaisir et, en plus, je ne pourrais pas raconter mes d’anecdote sur comment je me suis procuré tel ou tel disque.
Rien ne pourra jamais remplacer ce sentiment que tu éprouves depuis l’âge de 13 ans quand tu rentres chez toi avec un sac plein de vinyles que tu viens d’acheter et l’anticipation de les écouter pour la première fois.
Andrew Weatherall
C’est à quel moment que tu as commencé à faire le DJ ?
Au début je passais uniquement des disques dans ma chambre, devant des amis qui étaient plus intéressés par tripoter les jeunes filles qu’ils avaient emmenées que par la musique que je leur faisais écouter. C’est pour ça que lorsque j’ai commencé à jouer devant un public au milieu des années 80, je me considérais plus comme un selector qu’un DJ. C’est d’ailleurs toujours ce que je continue à faire maintenant, sauf que ma technique s’est légèrement améliorée !
Au début de l’acid house, Danny Rampling et Paul Oakenfold me demandaient de jouer dans leurs soirées à Shoom et The Trip, car ils savaient que j’avais une bonne collection de disques et que je jouais déjà la plupart des morceaux qu’ils avaient ramenés d’Ibiza. Ma carrière de DJ a vraiment pris de l’envol grâce à cela, car d’autres promoteurs pouvaient mettre Shoom ou The Trip devant mon nom et attirer ainsi plus de jeunes ravers. Depuis ce moment, il n’y a pas vraiment eu un week-end où je ne me suis pas retrouvé derrière les platines !
Ta façon de consommer la musique a dû un peu changer depuis ?
Non, j’en achète toujours autant, si ce n’est plus ! J’ai la chance d’habiter à deux pas de Rough Trade East et, dans le temps, il fallait parfois faire le tour de Londres pour trouver un disque alors qu’aujourd’hui il y a de la bonne distribution et tu peux trouver toutes les nouveautés plus ou moins partout. Comme je n’achète rien en ligne, ma façon d’aborder le sujet est vraiment restée la même. L’Internet est vraiment une bonne source d’information et je m’en sers uniquement pour ça… Rien ne pourra jamais remplacer ce sentiment que tu éprouves depuis l’âge de 13 ans quand tu rentres chez toi avec un sac plein de vinyles que tu viens d’acheter et l’anticipation de les écouter pour la première fois.
Tu dois en avoir une quantité incroyable ?
Tous les murs de mon studio sont entièrement recouverts d’étagères remplies à craquer de vinyles, après j’ai une autre pièce entièrement remplie qui pourrait vraiment effrayer certaines personnes. Je devrais prendre plus soin de tout ça, car c’est vraiment un bordel monstre, mais mon système de classement par catégories me permet de m’y retrouver assez facilement.
Le disque le plus rare de ta collection ?
Je n’en sais rien, à vrai dire je ne m’intéresse pas du tout à la valeur de mes disques ou aux raretés. Là, j’en ai un juste devant moi qui est de forme hexagonale. C’est la bande originale d’un film qui s’appelle The Andromeda Strain. J’ai plein de 45 tours de reggae aussi qui sont certainement très rares, mais il faudrait les faire évaluer par un spécialiste pour savoir…
Le disque le plus bizarre de ta collection ?
J’ai un disque avec le dernier serment de Jim Jones du massacre de Jonestown. Un enregistrement sur lequel il administre le poison à ses disciples ! J’ai aussi pas mal d’autres disques de Charles Manson qui sont assez particuliers et sordides…
