La salle hollandaise, accueillant habituellement des concerts de musique classique, ouvre pourtant régulièrement ses portes à d’autres styles de musiques, dont la techno. Joris Voorn, Danny Daze et Maceo Plex ont déjà investi la salle et Jeff Mills y donnait en 2016 l’une des rares interprétations de son dernier album The Planets, accompagné d’un orchestre classique. Le soir du jeudi 25 mai, c’étaient le fondateur de Innervisions, Dixon, et Job Jobse, résident du club De School à Amsterdam, qui officiaient en b2b pour la soirée Audio Obscura… Mais au bout de 5 heures, les basses soutenues et les nappes vrombissantes du duo pourraient bien avoir eu raison de l’intégrité du bâtiment : les bouts de plafond ont commencé à pleuvoir.
Les organisateurs et la direction du Concertgebouw ont immédiatement pris la décision d’évacuer la salle, et aucune personne n’a été blessée. Le plafond a depuis été inspecté, et la partie abîmée a été remplacée ; un accident mineur donc. Malgré la stature de l’orgue qui y trône, cette salle à l’acoustique imparable achevée en 1886 n’avait sans doute pas été conçue dans l’optique de subir les vibrations d’une musique plus acclimatée aux entrepôts en béton armé ; de surcroit, des enceintes et des lasers avaient été attachés au plafond à l’occasion de la soirée. “Nous sommes en train d’examiner si les dommages étaient liés à l’événement“, a déclaré la direction.
Cette anecdote est isolée, mais face à l’explosion des soirées techno dans des lieux historiques, nous ne sommes pas à l’abri d’un nouvel incident. En France, le festival breton Astropolis fut le premier à investir officiellement un monument historique en s’installant dans le château de Kériolet de 1997 à 2000, puis au manoir de Kéroual depuis 2001 ; à ce jour, les heures de hardcore dispensées par Manu le Malin, The DJ Producer ou Lenny Dee n’auront pas fait s’effondrer la crypte. À Metz, le collectif Sutter Events s’est aussi pris au jeu et réinvente les espaces historiques de la ville : bâtiments religieux, médiévaux, tout peut être transformé en club. Après la basilique Saint-Vincent à Pâques en 2016, le collectif avait investi les remparts médiévaux du XIIIe siècle avec l’aide de Madar et Roman Poncet, entre autres.
Avec ses 44 000 édifices portants la mention “bâtiment historique”, la France a du potentiel, mais elle n’est pas la seule à ouvrir les portes de son patrimoine aux DJ’s du monde entier. Ainsi le label Perlon va-t-il fêter ses 20 ans en invitant Ricardo Villalobos dans le Funkhaus de Berlin, ce gigantesque complexe qui a accueilli les studios de radio et télévision de la RDA de 1956 à 1990. Et que dire du Yin Yang festival, qui pose depuis 2014 ses valises sur la Grande Muraille de Chine ? Peut-être ne seront-ce finalement pas les invasions qui auront raison du mur…