À voir : Un docu gratuit plonge dans l’osmose collective de la pièce chorégraphique “Akzak”

Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©DR
Le 02.12.2021, à 12h01
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Via sa plateforme TV5MONDE Plus, la chaîne propose une sélection de films, séries, documentaires ou programmes jeunesses à consulter en ligne gratuitement. Parmi eux, le documentaire Akzak, danser sur les frontières revient sur la création chorégraphique du même nom.

Par Axel Cadieux

Réunir douze danseurs rencontrés au Burkina Faso, en Égypte, en France, au Maroc et en Tunisie, puis monter la pièce à Belfort et la faire exister dans tous ces pays lors d’une tournée de plusieurs mois. Voici le projet de Héla Fattoumi et Eric Lamoureux, directeurs du Centre chorégraphique national de Franche-Comté. Initiée en novembre 2019, cette création d’un nouveau genre s’appelle « Akzak ». En turc, le terme désigne une série de rythmes irréguliers, singuliers et syncopés. C’est aussi le titre du documentaire d’Elise Darblay et Antoine Depeyre, qui ont pu suivre l’aventure dès son origine, entre Belfort, Ouagadougou ou Tunis. 

Le sous-titre du film ? « Danser sur les frontières ». Car telle est bien l’ambition du duo de chorégraphes : agréger des danseurs et danseuses a priori très éloignés les uns des autres et trouver, au fil des mois, un terrain commun. Une base sur laquelle ils peuvent construire, se compléter, s’organiser, s’agencer de manière à trouver, enfin, l’harmonie. Il s’agit de danse bien sûr, chaque artiste ayant une formation ou des références différentes ; mais aussi plus largement de culture, de préconceptions, d’acquis qu’ils vont tous devoir déconstruire pour s’ouvrir à l’autre et ne faire plus qu’un. Une troupe homogène, faite d’éléments a priori hétérogènes.

Fatou, originaire du Burkina Faso, le livre sans détour aux documentaristes : sur scène, c’est pas évident ; en-dehors, ça ne l’est pas non plus. Durant plusieurs mois, les artistes doivent  s’approcher, s’apprivoiser, se comprendre. Mohamed, Tunisien, complète : dans son pays, danser en tant qu’homme, c’est déjà pas facile. C’est une affirmation de soi, parfois douloureuse. Akzak, c’est encore la phase d’après : l’affirmation du groupe, uni et soudé. L’osmose collective, en quelque sorte, qui permet une nouvelle forme de puissance et de souveraineté. 

Une scène de la création fait écho à ces dimensions intrinsèquement politiques : tous les artistes sont reliés les uns aux autres par des tubes fluorescents, composant une drôle de molécule. Libres de leurs mouvements, ils restent pour autant tributaires de la forme collective, qui prime sur le reste mais ne pourrait exister sans eux. Grâce à la caméra de Darblay et Depeyre, ces enjeux potentiellement très théoriques deviennent vite concrets : les chorégraphes Fattoumi et Lamoureux font face à de véritables problèmes mathématiques, se demandent comment tel enchaînement peut faire sens, devenir fluide ; ils triturent, façonnent, modèlent le vivant. Alors, Akzak – le film – prend tout son sens et propose une plongée au cœur du magma créatif, avec ce que cela comporte, parfois, de tensions. Par exemple, lorsque les corps n’y arrivent plus, craquent ou coincent, à l’image de ce danseur burkinabé qui doit quitter la troupe. 

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Juste avant la toute première représentation à Limoges, Mohamed a cette phrase, adressée à la caméra, qui synthétise l’ensemble de la démarche : « Au début, entre nous, on cherchait les points communs. Maintenant, il n’y a plus que des points communs. Le même rythme, pour tout le monde. » En un sens, Akzak – le spectacle – est presque déjà une réussite avant de débuter sur scène. Ici, évidemment, le processus est au moins aussi important que le résultat. Et tant mieux : la tournée est annulée suite au confinement de mars 2020. Symboliquement, le message est fort et lourd de sens : chacun chez soi, de nouveau, de part et d’autre des frontières. Isolés, morcelés, dessoudés. 

Mais au lieu de mettre un terme au spectacle – et donc au film, qui suit le projet pas à pas -, cette difficulté supplémentaire lui confère une dimension inattendue : Akzak devient « une utopie en acte », comme le dit très justement Eric Lamoureux. Dès qu’ils le peuvent, les danseuses et danseurs s’adaptent et se démènent pour se retrouver et remettre le doigt sur cette harmonie fugace et fragile. On pensait le spectacle abouti, en place, figé, prêt à être dévoilé ? Le voici sans cesse renouvelé, faisant face aux aléas et imprévus. Alors, le film prend son envol et se conjugue au présent, battant au rythme d’une lutte permanente dictée par l’urgence de la situation ; que ce soit sur scène ou dans les coulisses. 

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Akzak a été interrompu, enterré puis ressuscité, à l’image de la majorité des spectacles vivants de ces deux dernières années. Pour autant, il semble qu’il soit parvenu à faire « danser sur les frontières » : la majorité des douze artistes ont intégré le Centre chorégraphique national de Belfort ou se sont, a minima, installés dans la ville. Une preuve de plus, s’il en fallait, que Akzak – le film comme le spectacle – a su réussir l’essentiel : transcender la danse pour mieux la nourrir. 

Le film Akzak, danser sur les frontières, ainsi que le reste du catalogue, est à retrouver dès maintenant sur la plateforme TV5MONDE Plus.

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