À Paris, Polychrome et Manifesto XXI réinventent la fête libre et queer

Écrit par Anne-Claire Simon
Photo de couverture : ©Bettina Rheims
Le 26.04.2018, à 18h02
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©Bettina Rheims
Écrit par Anne-Claire Simon
Photo de couverture : ©Bettina Rheims
Le 28 avril prochain, c’est au Trabendo que la température sera brûlante et l’atmosphère humide. La liaison entre l’association Polychrome et le média culturel indépendant Manifesto XXI promet une soirée queer à la programmation d’artistes pointus.es, oscillant entre live, performances et DJ sets très énergiques et décadents.es. Un évènement où seront martelées des sons techno, punk, EBM, G-house et du rap. La soirée Creepy Sisters annonce un mariage parfait entre art et militantisme queerturel, car pour ces sœurs de cœur, il faut déconstruire les règles – du genre, de l’art et du journalisme – pour plus d’indépendance et de liberté sexuelle…


Polychrome et Manifesto XXI, c’est une histoire de valeurs, de causes et d’esprit – indépendant et subversif, libertaire et malicieux. Queer et creepy (étrange et terrifiante) sera le thème de leur soirée qui prendra d’assaut le Trabendo le samedi 28 avril prochain. Car les communautés lesbiennes et féministes sont bien souvent « creepy » aux yeux du reste du monde, où le genre n’est pas libre et où les corps sont régis par des mœurs ancrés dans la société actuelle. Engagées et revendicatrices, ces sœurs se rapprochent et se soutiennent en proposant une soirée où le public, comme les artistes, pourra se déchaîner.

C’est d’ailleurs le fer de lance de Polychrome, qui propose « un tas d’événements qui touchent aux problématiques du corps, du désir et du genre », selon Alex, en charge de la programmation artistique. Lors de projections ciné – comme à leur soirée Ciné.X à La Station le 16 février dernier –, mais aussi de conférences (rediffusées sur Radio 22) et de visites d’exposition, les thèmes que Polychrome aborde sont teintés de subversion, de jeu avec les passions et les pratiques sexuelles, et de réflexions autour de notre représentation des corps. Si leur sélection de courts-métrages abordait les thématiques du post-porno et de la pornographie féministe, c’est dans leurs ateliers d’écriture et de création que vous en apprendrez encore davantage : comment fabriquer un sex-toy, un martinet ou encore une cagoule ! L’univers de Polychrome est un mariage entre l’art et le militantisme, qui trouve sa source dans l’origine de l’association fondée en 2010 au sein de l’école du Louvre – même si elle en est aujourd’hui clairement détachée, pour des raisons de dissensions et de rupture. 

Ainsi, les événements de Polychrome ont pour but de « repenser la représentation du corps et la rigidité des rôles sexuels ». Les corps devraient « se libérer, prendre du plaisir et être libres de choisir leurs identités ». Où les retrouver ? Ielles arpentent la capitale, dans des endroits qu’ielles choisissent pour leur portée politique et leur respect des causes, à l’image de la Mutinerie, la Station, l’Espace Khiasma, la Gaité Lyrique ou bientôt au Trabendo. Polychrome fait sa place dans le paysage festif parisien grâce à « ses expériences excitantes et détonantes » qui reflètent leur identité. Ielles organisent ces soirées afin « d’offrir un espace d’expression aux artistes qu’on soutient et avec qui on partage les mêmes valeurs : on veut leur donner de la visibilité ». Les artistes qu’ils invitent sont tous des féministes engagés : plus souvent des femmes, mais aussi des hommes, gays ou lesbiennes, queer ou trans, et savent user de leurs corps et de l’espace qui leur est donné par des live et des performances percutantes. « Tout est une question d’énergie ! », précise Alex.

Toutes les soeurs réunies pour un moment creepy

Nulle surprise lorsque Manifesto XXI, qui s’exprime avec des mots libres et libérées de l’étalon patriarcal, et Polychrome deviennent sœurs. Depuis quatre ans, Manifesto XXI fait sa place sur la toile en tant que magazine culturel « rigoureusement et fièrement indépendant ». La lutte féministe, l’exigence artistique et l’ouverture d’esprit sont les maîtres-mots de l’organisation. Principalement web, l’équipe produit également des fanzines renversants, où les couleurs surgissent entre des interviews et des photographies haletantes. Leur deuxième numéro à la couverture résolument engagée – signée par la célèbre portraitiste Bettina Rheims – sera distribué au Trabendo.

Entre Polychrome et Manifesto XXI, c’est une histoire de rencontre, d’abord nocturne, au détour d’un after. Là-bas, une brillante idée les touche : se lier, pour mieux raisonner, le temps d’une soirée mouvementée. Leur programmation sera à l’image de leurs goûts pour la scène queer et ses artistes. La soirée débutera avec des paroles féministes fortes, défendues avec humour et cynisme par la rappeuse et performeuse Safia Bahmed-Schwarz, connue pour son ton osé et son empowerment artistique. Puis ce sera au tour de Cienfuegos d’occuper l’espace avec une performance live machine et chantée oscillant entre raw electronics et expérimentale. Pour Alex de Polychrome, « cet artiste très mystérieux est un franc-tireur qui installe un malaise recherché, et une atmosphère dark à souhait ». L’artiste recréera sans doute une sorte de manie dansante, en accord avec l’atmosphère ensorcelante que cette soirée Creepy Sisters prépare, entre sorcières et féministes. Elle se confirmera d’ailleurs avec la performance punk et électro du trio Succhiamo. Avec sa forte présence, Paula – chanteuse de JC Satan –, transporte le public par « sa musique cathartique ». Pour les italophones, le message est clair : Succhiamo signifie « nous suçons ». Leurs vocals sont ouvertement sexuels, placés sur des sonorités gorgées d’EBM, pour un résultat parfaitement creepy. Le show continuera avec les DJ sets de Sentimental Rave et Mila Dietrich. Entre gabber, techno et expérimentale, Sentimental Rave est « un diamant brut » pour les Sisters. DJ, productrice et autodidacte basée à Saint-Denis, elle transformera le Trabendo en rave grâce à ses kicks puisés durant ses expériences noctambules dans les warehouses de banlieue de métropoles européennes. Pour finir, c’est de Marseille que débarquera Mila Dietrich, avec ses tracks au groove obsédant, teintés d’une bassline techno obscure et de sonorités inspirées par la coldwave et la G-house. 

La soirée Creepy Sisters promet un concentré d’énergie, où la libération du corps, de l’esprit et des normes est prévue et défendue par Polychrome et Manifesto XXI. Pour plus d’informations sur la soirée, rendez-vous sur la page Facebook de l’évènement.

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