Il y a à peu près cinq ans, la scène house française assistait à l’arrivée massive d’une cohorte de jeunes musiciens et labels bien décidés à remuer une scène qui, il faut bien l’avouer, s’essoufflait un peu. Parmi eux, La Chinerie. Ce collectif de diggers lyonnais devenu une nébuleuse tentaculaire réunissant des dizaines de milliers de fidèles sur Facebook a fait des petits. Aux côtés des DJ’s et producteurs Sweely, G’Boï et Jean Mi ou Malouane, l’ancien cogérant de l’écurie Chineurs de Rap, Rafaël Gary, alias AdJus, fait figure d’exemple. Basé à Paris, son label et roster, Increase the Groove, fête en effet ses quatre ans à La Bellevilloise le 7 mai. Une excellente occasion de revenir sur le parcours d’une maison de disque atypique gérée par un vrai passionné.
Pour Rafaël – qui a plaqué ses études d’immobiliers il y a deux ans afin de se consacrer à sa passion –, Increase the Groove, c’est avant tout « un collectif visant à prôner l’éclectisme autour de la house. » À travers ses différentes sorties, le label entend bien explorer la variété des univers gravitant autour du style, sans pour autant rejeter la patte traditionnelle d’un artiste comme Kerri Chandler. « J‘aime bien mélanger la house au hip hop, à la jungle, à la drum’n’bass. Tout a influencé la house et la house a influencé beaucoup de choses, donc c’est une musique où tu peux avoir une liberté d’expression incroyable », confie -il. Une volonté de décloisonnement présente dès la première sortie, le Various From Da Block (2017), où l’on retrouvait les talents en devenir Avorton, Harrison BDP, Louis Dauvergne et Aurelian aka KM3. Un projet au visuel imprégné de culture street et graffiti.
Des EPs d’artistes talentueux (Avorton, CleS) et une floppée de Various organisés en sous-catégories, telle est la recette d’Increase the Groove. Là où From Da Block explore les liens entre house et hip hop, From Da East se penche, comme son nom l’indique, sur la minimale inspirée par l’Europe de l’Est. Sans oublier From Da Split, le dernier concept de cet hyperactif du son. Un format de double mini-EP vinyle, deux artistes proposant chacun trois morceaux sur une face. Le premier opus de cette série, ou l’on retrouvera ODEN & Fatzo, qui ont enflammé La Ferme du Bonheur le 24 mai avec leur live à huit mains, ainsi que les habitués du label Kizoku et Lutz, sort d’ailleurs prochainement. « L’idée derrière ce nouveau format, c’est d’avoir la même visibilité qu’un Various tout en laissant les artistes s’exprimer sur plusieurs morceaux. On aura bientôt un Split entre FASME et Avorton, et deux autres dont je ne peux pas parler. De mon côté, je prépare aussi un projet avec un ancien de chez Denise Records, Pilote, dans une ambiance breakbeat. J’en ai marre d’entendre du 4/4 pendant des heures [rires]. »
Quasiment seul aux manettes, Rafaël est un touche-à-tout : écoute des démos, direction artistique, pressages, promotion, évènementiel… Épaulé par sa petite amie, qui s’occupe de la partie vidéo ainsi que de deux graphistes, il s’occupe également du Vinyle Village, un rassemblement de diggers et de disquaires qui, au fil des ans, a investi successivement le squat La Capela (aujourd’hui fermé), La Bellevilloise puis, pour sa dernière édition en date, La Rotonde. Pour l’occasion, Rafaël a tenu à organiser un open-mic : comme au bon vieux temps.
Au sein des influences du label et de son fondateur, le hip hop occupe en effet une place particulière. Venu du rap, proche de l’inclassable GREMS (le loustic est même apparu dans l’un de ses clips), Rafaël n’exclut pas d’inviter des rappeurs sur des projets futurs.« J‘aimerai bien faire un From Da Block édition spéciale : des grosses productions house avec des gars qui rappent dessus. J’espère avoir le poto GREMS et pas mal d’autres. Je n’ai pas envie de perdre les gens donc je laisse ça de côté pour l’instant, mais c’est un truc que je veux faire depuis le début », avoue-t-il. Du hip hop, le fondateur tire également une certaine conscience politique. Engagé, prenant souvent position sur les réseaux, ce dernier exprime sa frustration quant à l’état actuelle du milieu alternatif : « Je trouve pas que la situation évolue dans le bon sens. Certes, c’est une victoire que certains lieux, comme le squat à Blanche, soient conventionnés. Mais j’ai l’impression que c’est surtout un moyen pour La Mairie de se donner une bonne image. Tant que c’est le côté culturel ça va, mais la teuf, ils ne l’acceptent pas. Ça devient presque indécent la manière dont certaines personnes sont traitées. Les expulsions sont parfois très violentes : les gars se font tabasser à moitié, tirer par les cheveux… C’est une culture qu’on ne peut pas nier et qui devrait etre bien mieux intégrée à la ville. Beaucoup de touristes viennent aussi pour ça. »
Pour fêter ses quatre ans en beauté, le collectif va investir La Bellevilloise avec un line up de qualité. Dans le forum, Groove Boys Project en b2b avec Dusty Fingers, ainsi que les habitués Louis Dauvergne et Avorton proposeront une sélection entre house, disco et breakbeat de leur cru. Dans le club, Armless Kid et la superstar néérlandaise DJ Marcelle se chargeront de retourner le public. Une artiste qui, selon Rafaël, symbolise bien l’esprit du label : « C’est une tueuse. Je suis tombé sur des vidéos d’elle il y a un an et demi, deux ans et je me suis tout de suite dit, “c’est quoi ce truc de malade ?” Quand tu l’entends mixer, c’est pas vraiment calé, mais la sélection est démente. Même aujourd’hui, quand je mate sa Boiler Room, j’en ai des frissons. », relate-t-il. Enfin, pour la première fois en France, le rappeur danois B from E se produira en live.
Toutes les informations sont à retrouver sur la page Facebook de l’évènement.