Par Xavier Ridel
Rencontrer Rallye, c’est se retrouver face à cinq potes qui semblent voir la musique comme un jeu, un gigantesque champ des possibles à explorer entre proches – qu’ils soient musiciens, graphistes ou encore vidéastes. Après avoir fait parler d’eux via des collaborations avec Timothée Joly, Krampf ou encore Kevin El-Amrani, les Parisiens viennent de dévoiler une nouvelle collection de 7 morceaux qui réussissent à allier l’énergie du rock à la versatilité de l’hyperpop, et à la mélancolie de la French Touch ; voire de la variété. Le tout pour un style qu’ils qualifient de rock internet, ou de rock numérique.
Le jour où on les rencontre dans un bar pour discuter de cet EP, intitulé cheval 2_3, Léo, Baptiste, Stan, Greg et Hugo ont un peu de mal à se faire entendre. Il faut dire que le gouvernement vient de faire passer un nouveau 49.3, et que le 10ème arrondissement est cerné par les sirènes de police. Posé sur un coin de la table, notre iPhone réussit quand même à capter le discours du quintet. « On a découvert toute la musique qu’on écoute grâce à internet. Et on a aussi appris à jouer grâce aux logiciels, aux tutos. On reste un groupe ; mais musicalement, on essaie plus de se rapprocher d’une scène composée de personnes qui postent des trucs sur Soundcloud, qui font tout à partir de leur chambre. En fait, Internet a apporté une intelligibilité au DIY. »
Do it yourself
Loin d’être des spécialistes du matériel analogique, admettant sans souci ne pas y connaitre grand-chose en terme de synthés ou de pédales, les garçons ont dès le début pris l’habitude de trouver les textures de leurs instruments grâce à des plug-ins. Une méthode qui peut paraître un détail, mais qui détonne quand même dans le paysage du rock. « On n’a jamais eu de beaux synthés, de Prophet, de gros amplis ou autre. On utilise simplement l’ordinateur. Il y a aussi une contrainte financière : on n’a jamais pu s’acheter de bon matériel ni enregistrer dans un vrai studio pour l’instant. C’est presque un truc militant, comme quand on a tourné le clip d’adolescent’ à l’iPhone. »

Là où de nombreux musiciens semblent obsédés par le matériel analogique, ou jouent de l’étiquette DIY alors qu’ils enregistrent dans des studios professionnels, Rallye semble donc bien davantage tourné vers le fait de se débrouiller avec ce qu’ils ont sous la main. Une chose qui cristallise encore davantage l’honnêteté de leurs chansons, et qui les rapproche particulièrement de la scène Soundcloud. Ça, et leurs méthodes de composition.
« Internet rock », ou « Rock numérique »
« On déteste les jams, on compose toujours avec un ordinateur. On reste un groupe de rock en apparence et on aime ça. On aime jouer ensemble, l’énergie qui se dégage du live, mais on ne compose pas du tout comme un groupe de rock. On utilise l’ordi, on expérimente à mort dans le son pour faire des trucs originaux et ne pas perdre la flamme de l‘adolescence. »
Au-delà de la qualité de ses chansons, c’est aussi ce qui fait la force de Rallye. Les morceaux des Parisiens sont bien modelés par des couches de guitares distordues, de synthés new wave et des mélodies pop. Mais ils tirent leur différence d’une enveloppe ultra contemporaine. Pour s’en rendre compte, il n’y a qu’à écouter « Adolescent » et son superbe refrain glitché, inspiré du groupe hyperpop underscores. Ou encore l’outro de «mots clés », qui n’est pas sans rappeler les envolées lyrico-numériques de Sophie. « On a beaucoup discuté de ce morceau et on est tombé d’accord sur le fait qu’il fallait que ce soit notre moment hyperpop / PC Music. On a fait pas mal de tests, puis on a filé les pistes à Krampf. Il a fait quelques tricks de production, remanié le tout et ça a donné ça. C’est quasi impossible à jouer en live, mais c’est radical. »
L’entourage
Comme souvent ces derniers temps, il est justement difficile de passer ici à côté du nom de Krampf. Le touche-à-tout – Casual Gabber, producteur, réalisateur, artiste 3D – se définit comme le « dark manager » de Rallye, qui le voit de son côté quasiment comme un sixième membre. Depuis les débuts du groupe, Krampf prend le temps d’écouter leurs morceaux, de les conseiller sur le son, de leur faire rencontrer de nouvelles personnes. Comme son colocataire Kevin El-Amrani, réalisateur très prisé (Ténébreuse Musique, OkLou, Pirouettes…) au sein de la nouvelle scène. Stan, qui vit désormais avec les deux compères, affirme : « Sur notre premier EP L’Age d’Or, Krampf travaillait sur nos prods vocales, et il mettait tout le temps “theoreme” dans son salon. Du coup, Kevin n’arrêtait pas de l’entendre en boucle (rires) et a fini par vouloir faire un clip dessus. Le clip se passe dans cette pièce, c’est un peu la vision de Kevin qui écoute le morceau, avec le groupe qui joue. »
La musique de Rallye tire aussi sa différence de son image. Là où « de nombreux groupes de rock ont souvent cette volonté de faire des trucs classes », les garçons n’hésitent pas à tenter de nouvelles choses, quitte à gratter la vision de l’auditeur. Et ils s’entourent donc de leurs amis d’enfance CestAinsi, récemment vus aux côtés de PNL, Aamourocean ou encore Grand Blanc. Le résultat ? Une esthétique hyper colorée et énergique, qui paraît encore une fois tenir davantage du post-internet que de la musique à guitares.
Mais qu’on ne s’y méprenne pas : sous cette enveloppe colorée et ces expérimentations, Rallye n’oublie jamais d’écrire de vraies chansons. Il suffit à ce titre d’écouter « 1964 », morceau touchant et irradiant de sincérité, écrit par Baptiste après le décès son père. Ou encore l’hymne à la jeunesse « cheval 2_3 », qui donne son titre au dernier EP du groupe. Il ne reste plus qu’à découvrir comment les garçons cristallisent toutes leurs influences en live et à voir comment le groupe, capable de prendre tout le monde à contrepieds, évoluera par la suite.
Rallye jouera à la Maroquinerie le 22 juin à Paris