A la folie : comment cet ancien Quick est devenu l’un des lieux les plus déjantés de Paris ?

Écrit par Célia Laborie
Le 27.11.2019, à 18h22
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Écrit par Célia Laborie
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Comment un ancien Quick caché parmi les arbres du parc de la Villette est-il devenu l’un des lieux festifs les plus prisés de la capitale ? Toute une communauté de clubbeurs queers, de drag queens et de familles ont adopté à la folie. On part à leur rencontre, à l’aune du quatrième anniversaire du bar / restaurant le plus déjanté de Paris.

Vendredi soir, minuit : la petite piste d’à la folie est remplie de garçons tatoués de la nuque aux phalanges, face au DJ booth où Crame balance des tracks de house rayonnante. Derrière, il y a ceux qui font la bise au barmen avant de s’attabler au comptoir. Un escalier en colimaçon mène à l’étage – pour y parvenir, il faut déjà jouer des coudes. Là-haut, autre salle, autre ambiance : la « rodéo room », décorée ce soir à la manière d’un commissariat, servira bientôt de refuge à ceux qui ont des fantasmes à réaliser. Nous sommes à la Mustang, soirée gay mensuelle produite par l’équipe d’à la folie. C’est l’une des multiples facettes de ce lieu protéiforme, à la fois queer, festif et familial. Dehors, il y a aussi ces grandes tables en bois qui accueillent les fumeurs frigorifiés en ce soir de novembre – l’été, la terrasse est envahie dès 18 heures par des bandes d’amis en afterwork, et prend des airs de biergarten berlinois. 

Difficile d’imaginer qu’il y a six ans, ces murs rouges abritaient un restaurant Quick. Car à la folie, c’est au départ un pari un peu fou de Rémy Baiget, ancien directeur artistique du Rex Club. En 2015, il répond à un appel d’offre : au beau milieu du parc de la Villette, dans le 19e arrondissement de Paris, un ancien fast food doit être réhabilité. Et lui veut en faire un bar / club / restaurant, un lieu de vie ouvert à toutes les heures et pour tous les publics. Le slogan du lieu est tout trouvé : « open doors for open minded people ». Le gérant et sa clique, venue du Cabaret Sauvage, du Batofar ou de Concrete, remporte l’appel à projet. « Amener les gens jusqu’ici, c’était un défi énorme », admet aujourd’hui Audrey Saint-Pé, directrice artistique d’à la folie. «  À l’époque, le quartier était mal famé. Il n’y avait pas encore la Gare ni la Station Gare des Mines, personne ne pensait à sortir dans le fin fond du Nord-Est de Paris. »

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Esprit de famille

Dès le début, l’équipe d’à la folie invite des collectifs amis, de Fils de Venus à Flash Cocotte, puis propose ses propres soirées comme la Red House, qui mêle un collectif queer (La Culottée, Menergy…) avec de grands noms de la techno et de la house comme Laurent Garnier ou Lil Louis. Ce petit dancefloor, cette localisation en périphérie, ils réussissent à en faire des atouts. Paul Roche, développeur web de 27 ans, a adopté le club dès le début avec sa bande de potes. « Les espaces restreints, ça facilite les rapprochements. J’ai rapidement connu l’équipe, les serveurs… Il n’y a pas de côté impersonnel de certaines boîtes où on ne parle à personne », Les DJs aussi se sentent vite à la maison. « Quand on joue à la folie, il y a beaucoup moins de pression qu’ailleurs. », assure Molly. Après une tournée entre Miami, Ibiza et Berlin, elle prend plaisir à revenir jouer à domicile, dans son petit nid. « Ici, j’ai l’impression d’être à un anniversaire, et qu’il n’y a que des amis invités. Je me sens autorisée à passer des vieux tubes des années 1980. C’est à la folie que j’ai osé faire mes premiers sets disco. »

Les espaces restreints, ça facilite les rapprochements.

Paul, habitué d’à la folie

Les lendemains de fête, ceux qui ont encore envie de danser reviennent sur la piste le samedi après midi pour apprendre le waacking avec Ari de B, acolyte de Kiddy Smile qui a déjà fait ses preuves de Moscou à New York. « Je suis souvent en gueule de bois parce que j’ai moi aussi fait la fête la veille, on se marre bien », s’amuse-t-elle. « J’adore donner des cours ici parce que j’ai l’impression de m’adresser à ma communauté : des LGBT, des queer, des weirdos. Ça n’est pas le cas partout où j’ai l’occasion de travailler. Ici, il y a une identité, et l’équipe me fait confiance au point de me laisser organiser des soirées hip hop. J’ai créé des événements à mon image, parce que pour nous, les queer racisés, il n’y a vraiment pas grand-chose à Paris. » Quand elle ne donne pas cours, Ari de B vient parfois s’entraîner l’après-midi sur le dancefloor vide de la folie. Elle y croise les DJs venus s’essayer aux platines, les barmen qui préparent la soirée… Une petite famille qui s’est soudée au fil des années. « On a même fêté mon anniversaire à la folie en décembre dernier. C’était ouvert à tous, j’ai eu la soirée de mes rêves avec tous mes amis, un stand de tatouage, un autre de coiffure… Et un gâteau. »

Bingo, pétanque et marathon de danse

Le dimanche midi, le brunch fait office d’after pour les plus courageux. « C’est fou cette communion : le lendemain d’une soirée club, on débarque au brunch, certains sont toujours en after, ils sont assis à côté des familles avec des enfants, et personne ne se sent oppressé ni gêné. » , s’amuse Paul Roche. Plusieurs fois par an, certains brunchs sont réservés aux familles homoparentales. Plus tard le dimanche, c’est l’heure du bingo drag, un drôle de concept venu des États-Unis. C’est devenu le rendez-vous incontournable pour tout une clique d’habitués tombés sous le charme de l’animatrice Minima Gesté, toujours perchée sur quinze centimètres de talons.

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Pas de barrières, pas d’œillères. A la folie a développé toute une série d’événements fantasques, du concours de mangeur de saucisses au marathon de danse, en passant par le tournoi de pétanque en pleine fête lesbienne. Des soirées-concept qui rameutent à chaque fois des centaines de personnes. Pour ces Parisiens et ces banlieusards, il est devenu naturel de se déplacer jusqu’ici. C’est la plus grande fierté de l’équipe de la folie : savoir mélanger les publics. « L’un de mes meilleurs souvenirs là-bas, c’est une soirée House of Moda en faveur de l’association BAAM. C’était un dimanche de la fin de l’hiver 2018, il neigeait : tout était réuni pour que la soirée soit un échec. Finalement, c’était magnifique. Les réfugiés dansaient avec le public habituel, les queers, les drag queens. Ils savaient tous pourquoi ils étaient là. » On sait aussi pourquoi ils continuent à venir.

à la folie fête ses quatre ans le 4 décembre. Toutes les informations sont à retrouver sur la page Facebook de l’évènement.

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