Parmi les acteurs de la jeune scène hongkongaise, on trouve de nombreux Français. C’est le cas des propriétaires du « 宀 » (prononcé « Mihn »), un petit club dédié aux musiques électroniques qui a récemment ouvert dans le noctambule quartier de Sheung Wan, en plein cœur de la métropole. Un emplacement idéal qui amène un parti pris radical : le Mihn est composé à 90% d’une piste de danse, et il n’y a pas de bar. A la place, des distributeurs de boissons ultramodernes sont mis à la disposition des clubbers, proposant des softs, mais aussi des bières et des cocktails. « Hong Kong est la ville la plus chère du monde » justifie l’un des gérants du club. Le m² se négocie autour de 13 000 €, deux fois plus qu’à Paris, et peut parfois atteindre les 150 000€. De quoi décourager l’investissement. « Tu prends des villes comme Londres et NY, c’est la moitié de ce qu’on paye ici et ça n’aide pas du tout pour la créativité. ». Et pourtant, ces entrepreneurs restent persuadés du potentiel de la scène électronique asiatique, qu’ils côtoient depuis des années. Cependant, Hong Kong semble être en reste sur le plan musical. « Hong Kong est vraiment en bas de l’échelle. Mais même si c’est désert ici, j’ai toujours cru en cette ville ».
« C’est un club qui est né d’une grosse frustration de DJ »
Pour sa programmation, le Mihn place la barre haut d’entrée de jeu. Son affiche internationale juxtapose Vladimir Ivkovic, résident du Salon des Amateurs de Düsseldorf, la Suisse Eli Verveine, le collectif house californien Honey Soundsystem, mais également des talents locaux et régionaux tel Gonno, pilier de la scène électronique japonaise. Tout cela mis en valeur par un sound-system Funktion-One sur-mesure. Autrement dit : « le meilleur sound-system de la ville, de très loin ».
Car tout n’est pas noir, côté création: « Hong Kong manque de clubs et de lieux pour faire la fête, mais pas de DJ’s et d’artistes. C’est un peu paradoxal, mais on a de très bons DJ’s qui ne jouent pas. […] Il y a plein de Français, d’Allemands, de Japonais qui connaissent bien le milieu et leur scène à eux. On essaye de capitaliser sur ces connaissances pour créer une scène locale inspirée des scènes européennes. C’est comme ça qu’on a créé le Mihn : c’est un club qui est né d’une grosse frustration de DJ ».
Autre valeur cardinale du club, l’équipe a voulu mettre l’accent sur la sécurité et le bien-être en veillant à faire du Mihn (qui signifie « toit » ou « abri » en Chinois) un « safe space », un endroit sûr où l’on peut venir faire la fête sans se soucier d’être jugé, discriminé ou agressé. Les photos sont bannies de ce sanctuaire électronique, à l’allemande. « Le fait d’aller à Berlin, à des soirées où je savais que personne ne se moquerait de moi m’a beaucoup aidé dans ma vie, et je trouvais ça intéressant de créer à Hong Kong un lieu où les mecs, les filles, les LGBT se sentent en sécurité » confie l’un des membres du Mihn.
La majorité des clubbers reste cependant composée d’expatriés. « C’est très difficile car il y a un gros gap culturel. Contrairement à la Chine où il y a déjà une scène locale alternative, ici à Hong Kong c’est très conservateur et vraiment à part », explique l’équipe, qui met tout en œuvre pour attirer les locaux, en communiquant systématiquement en anglais et en chinois.