Cet article a initialement été publié en mars 2016, dans le n°192 de Trax Magazine, encore disponible sur le store en ligne.
Par Arnaud Wyart
Dave Smith aime rappeler qu’avant d’être ingénieur en électronique, il a joué dans pas mal de groupes. Alors, lorsqu’il découvre le Minimoog en 1972, « combinaison idéale entre musique et technologie », c’est pour lui une révélation. De fil en aiguille, il devient concepteur de synthétiseurs et monte Sequential Circuits (SC). « Au début, nous avons commencé avec rien, dans un garage. Mon 1er synthétiseur complet fut le Prophet V, en 1978. Il y avait deux idées que je voulais absolument réaliser: intégrer un mode de programmation et proposer 5 voix de polyphonie. Jusqu’alors, tu ne pouvais jouer qu’une note à la fois », explique-t-il. Le Prophet est en effet le premier modèle polyphonique, entièrement programmable (il était même possible de sauvegarder les manipulations). Également plus accessible que ses concurrents, le Polymoog et le Yamaha CS-80 (il coûtait 4000$), ce synthé va révolutionner la création musicale (de Pink Floyd à Prodigy en passant par Kraftwerk, John Carpenter, Talking Heads, New Order, Grandmaster Flash, etc.
Au début des années 80, les constructeurs vont totalement s’inspirer des travaux de Dave Smith pour développer leurs propres interfaces de programmation. Mais à l’époque, il est impossible de les faire communiquer entre elles. Pas vraiment pratique pour les musiciens. Avec l’aide d’Ikutaro Kakehashi (fondateur de Roland), Dave Smith imagine alors un langage informatique simple et universel pour relier les machines. Une connectique spécifique (aujourd’hui USB) assure l’envoi de messages (tempo, volume, etc.) et la synchronisation des horloges. « Il y a eu des révisions. Mais globalement, ça s’est fait très simplement et souvent à distance, via des fax entre les USA et le Japon », se souvient Smith. Finalement baptisé MIDI (Musical Instrument Digital Interface) et inauguré en 1983 lors du NAMM 1983 (la démonstration connectait un Prophet-600 et un Jupiter-06), ce protocole va permettre à la MAO de littéralement exploser. On connait la suite.
Dave Smith se lancera plus tard dans le digital (en 1994, il développe même le premier synthétiseur sur PC) avant de retourner au hardware. Sur la question l’américain reste catégorique. « Pour moi, un synthétiseur est un véritable instrument. Le look et le ressenti d’un plug-in sont totalement différents. La composition sur ordinateur ressemble davantage à du travail. Avec l’analogique, ce n’est jamais à 100% la même chose, note après note. Comme si l’imperfection devenait vivante.»
Aujourd’hui, à plus de 70 ans, l’éternel passionné s’intéresse de près à l’évolution du poussiéreux DJing et anticipe même sa prochaine évolution. « Personne n’aurait imaginé qu’un jour, les gens joueraient avec des platines vinyle. Maintenant, il faut que les DJ’s deviennent des performeurs qui s’éloignent de leur laptop pour s’exprimer d’avantage en live. Cela permettra une meilleure connexion avec le public. Les outils sont là. Voyons ce qu’ils vont en faire ».