“180” : Comment Audemars Piguet crée la rencontre entre jeunes artistes et les sort de leur zone de confort

Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©Montreux Jazz_Festival 2021 THe LYONZ - Anoush Abrar
Le 21.09.2021, à 18h20
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Il y a quelques mois, nous avions pris beaucoup de plaisir en découvrant la mini-série musicale 180. Au fil de cinq épisodes mis en scène avec panache, la marque Audemars Piguet provoquait des rencontres parmi la fine fleur des artistes de la nouvelle génération. Crystal Murray, Tshegue, Oklou, Tchakø, THe LYONZ ou encore Gaika étaient sommés de sortir de leur zone de confort le temps d’un duo et de créer des morceaux inédits. Rencontre avec François-Henry Bennahmias, PDG et mélomane.

À première vue, l’association de ces talents et d’une marque d’horlogerie aurait de quoi surprendre. Sauf que voilà, depuis plusieurs années, Audemars Piguet déploie une énergie remarquable dans le monde de la musique, offrant encore et encore la possibilité à des artistes émergents et confirmés d’explorer de nouveaux territoires. Cette volonté, la marque la doit en partie à François-Henry Bennahmias, son PDG, mélomane iconoclaste qui par sa gouaille et ses expériences de vie détonne dans l’univers de l’horlogerie. De ses soirées new-yorkaises en studio avec Jay-Z aux dessous de la série 180, en passant bien sûr par l’indispensable Montreux Jazz Festival, nous avons demandé à ce personnage haut en couleur de nous raconter comment Audemars Piguet fait son trou dans la musique, et pas que dans les punchlines de rappeurs !

La 55ème édition du Montreux Jazz Festival vient de se clôturer. C’était le premier festival à se tenir en Suisse depuis le début de la pandémie. Audemars Piguet, en sa qualité de Global Partner, y occupe un rôle privilégié. Qu’est-ce qui rend si particulier, si populaire, ce festival ?

Montreux célèbre avant tout la musique ! Et d’ailleurs, tout part d’un fou de musique : Claude Nobs, qui était boulanger au départ, et qui a eu l’idée, il y a cinquante-cinq ans, de créer un festival international. Or s’il y a un pays dont on n’attend pas de l’expression musicale absolue, c’est bien la Suisse. Et pourtant, au fil du temps, le festival est devenu une sorte de Mecque, un passage ultime pour les grands musiciens, tout en gardant une dimension humble, empreinte de respect, dénuée de star-system. Typiquement, à Montreux, il n’y a pas du tout le côté people d’un Coachella. Et puis, musicalement, avec des concerts de nouveaux arrivants comme de grands artistes, l’éclectisme musical est total. C’est le talent dans sa plus pure expression. C’est sublime.

Effectivement depuis 1967, le festival a été le terrain de jeu des plus grands musiciens de notre ère : Nina Simone, Marvin Gaye, Prince, Leonard Cohen, David Bowie ou Stevie Wonder, pour nen citer que quelques-uns. Ces instants de grâce ont souvent été filmés. Mais au début des années 2010, une crainte a commencé à poindre : et si cette collection darchives uniques, mais vieillissantes venait à se perdre ! Et cest alors quAudemars Piguet entre en jeu…

Ces images font désormais partie du Registre des Mémoires du Monde de l’UNESCO ! De la même façon que devenir Global Partner du festival s’est imposé comme une évidence pour Audemars Piguet, il nous a paru évident de contribuer à la préservation de cette matière extraordinaire, afin de pouvoir en faire profiter les générations futures . Et on ne se rend pas compte à quel point le travail de restauration et de numérisation de ces archives réalisé par l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne est énorme. J’ai pu assister à certaines de ces sessions, et pour vous donner une idée comparable, c’est une minutie digne d’un tableau impressionniste plein de poussière auquel on rendrait son éclat initial. Tout est restauré, seconde après seconde, l’image, mais aussi le son. C’est titanesque. En dix ans, plus de 5 000 heures de concert ont été restaurées… Dans l’un des chalets de la Fondation Claude Nobs, il y a une pièce dédiée à la consultation de ces archives. Eh bien, quand on regarde ces nouvelles versions, c’est un coup de massue. C’est du très haut niveau d’émotion. Il n’y a personne qui en sort en disant « Ouais, bon, c’était moyen… » On pourrait y rester des heures.

Le Montreux Jazz Festival cest aussi lhistoire dun festival qui a su constamment se réinventer pour laisser de la place à dautres styles. Cette année, vous avez été à linitiative dun concert événement, avec THe LYONZ. Le duo canadien, très influencé par le hip-hop et la scène électronique, a joué dans un cadre hallucinant, au sommet des montagnes. Comment est né ce projet de concert un peu fou ?

Au départ, il y a eu une volonté de notre part d’inviter certains artistes émergents qui avait participé aux épisodes de 180. Ce festival a toujours été un endroit qui lance des jeunes talents, et parfois même de parfaits inconnus. Le choix de THe LYONZ s’est fait naturellement, mais ensuite, il a fallu composer avec la situation actuelle… nous avons donc opté pour un concert inédit, perché en haut d’une montagne, avec une scénographie complexe qui montre ce décor alpin suisse qu’on ne voit pas habituellement. Après, détail imprévu, il a fallu composer avec la flotte et la boue… Ça rend d’autant plus extraordinaires l’engagement et la passion dont ces deux artistes font preuve au milieu de cet environnement vierge. Ils y vont à fond. Cela résonne parfaitement avec notre volonté de challenger les artistes émergents avec lesquels nous collaborons. Nous nous efforçons sans cesse de les sortir de leur zone de confort, de repousser ensemble les barrières du possible. Ce concert était également une opportunité commune avec le Montreux Jazz : pouvoir offrir une expérience musicale inédite à celles et ceux qui ne pouvaient pas venir en Suisse cette année. Et lorsque THe LYONZ seront connus dans quelques années, j’espère sincèrement que les gens iront voir cette vidéo de leur concert au Festival de Montreux 2021.

Audemars Piguet et la musique, cest une histoire qui dépasse le cadre de Montreux. La marque est très proche de certains artistes de renom. Parmi les anecdotes notables, en 2005, pour célébrer les dix ans du label Roc-A-Fella Records, votre manufacture sassociait à Jay-Z pour créer une édition limitée d’une de vos pièces les plus iconiques : la Royal Oak Offshore. Sur le papier, lalliance de ces deux univers, la quintessence du rap de Brooklyn dun côté, et lexcellence horlogère suisse de lautre, a de quoi surprendre. Comment sopère ce type de rapprochement ?

J’ai rencontré Jay-Z pour la première fois à New York en 2001 par des copains interposés. À l’époque, je dirigeais Audemars Piguet en Amérique du Nord. La première fois, Jay-Z s’est pointé dans les bureaux avec son entourage : Biggs et Damon Dash. Et entre nous, la relation est partie super vite : j’écoutais sa musique et lui possédais déjà quatorze Audemars Piguet. Lors de ce premier rendez-vous, il m’a tout de suite lâché : « Toi et moi, on va faire une série limitée ! » Alors, moi, à titre personnel, j’étais partant. Pendant les deux années qui ont suivi, on est devenu potes, j’ai passé des soirées en studio avec lui, rencontré Aaliyah qui sortait à l’époque avec Damon Dash… C’était des moments dingues. A cette même époque, le hip-hop était en pleine explosion. Du coup, vers 2003, je me suis dit : « Cette fois-ci, j’y vais ! » Je suis parti en Suisse avec deux photos. La première avec Jay-Z, en chapeau haut de forme, aux côtés du prince Charles, à un derby d’équitation. La seconde avec P. Diddy et William Lauder, le président exécutif d’Estée Lauder, lorsqu’ils ont lancé son parfum. Et je leur ai dit : « Le hip-hop, c’est l’équivalent de ce qu’était le jazz dans les années 1920, c’est devenu mainstream. Le monde entier écoute ça. S’il y a quelqu’un avec qui nous devons faire un truc, c’est lui. Il faut faire une série limitée ! » Alors, le conseil d’administration m’a dit : « François, tu peux en faire cent, pas une de plus, et uniquement pour le marché américain. » Je suis reparti avec ça sous le bras, ravi. On en a fait cinquante en acier, trente en or rose, et vingt en platine.

Au départ, on voulait graver des titres de chansons au dos des montres, et glisser dans le coffret un parchemin à l’ancienne, façon Mozart ou Beethoven, entièrement rédigé à la plume avec la musique et les paroles, signé par Jay. Chaque montre aurait été unique. Mais quand on a passé en revue les titres de toutes les chansons, on s’est rendu compte qu’il y en a un paquet qu’on ne pouvait pas graver à cause du langage fleuri… Du coup, on a trouvé une autre idée : chaque coffret venait avec un iPod correspondant à la couleur de la montre – gris pour l’acier, rose pour l’or ou bleu pour le titane. Au dos de l’iPod, on a gravé une chanson de Jay et sa signature, et on a uploadé tous les albums du label dessus. Pour la conférence de presse au Four Seasons, le 19 avril 2005, il y avait plus de cent journalistes. Le mariage du luxe et du hip-hop était un vrai événement. Les gens ont vu que Jay-Z connaissait très bien la marque, que c’était authentique. Et pour la première fois de son histoire, Audemars Piguet a eu un article dans le Financial Times. 

Et sur la dimension créative, une collab avec Jay-Z, ça ressemble à quoi, comment se passe le travail ?

Il a été très impliqué. En fait, c’est simple, avec lui, c’est tolérance zéro. Il a un œil ultra critique sur tout. Son discours c’était : « À partir du moment où ça porte mon nom, alors la montre doit ressembler exactement à ce que je veux être. »

Puisquon évoque le hip-hop, on ne résiste pas à évoquer les mentions récurrentes à votre marque. Rien quen France, les rappeurs Denza, Lacrim et Black Kent ont en commun davoir une chanson intitulée “Audemars Piguet”. Et aux États-Unis, les plus grands de Jay-Z – évidemment –, à Rick Ross, en passant par Lil Wayne, ont tous au moins une punchline dans leur répertoire qui fait référence à votre marque. Vous en tirez une certaine fierté ? 

On ne maîtrise jamais cet aspect, et d’ailleurs, on ne cherche pas à le faire. Jay a ouvert les portes, c’est évident. J’avais le feeling qu’il fallait s’arrimer à ce monde parce que c’était l’évolution naturelle, la culture qui montait, je voyais de plus en plus de gens autour de moi qui écoutaient du hip-hop. Mais je n’avais absolument aucune idée de ce que cette collaboration avec Jay-Z allait provoquer. Le risque s’est soldé par une récompense extraordinaire. Très récemment, j’ai eu un échange par textos avec Meek Mill qui m’a beaucoup touché. Il me disait : « François, tu sais, dans le hip-hop, Audemars Piguet c’est le Graal, c’est ça qu’on vise. » Jay a mis un standard en place.

Vous vous posez de plus en plus comme un acteur à lorigine de créations sonores inédites. Récemment, Audemars Piguet a initié une superbe série intitulée 180, qui consiste en cinq épisodes où des réalisateurs en vogue filment la rencontre créative dartistes émergents de la scène musicale. On a pu y voir, par exemple, les rencontres entre Tshegue et Jeanne Added, Crystal Murray et Oklou ou Betta Lemme et THe LYONZ. Cest important pour vous de jouer un rôle de catalyseur au sein de cette nouvelle scène, dinsuffler ces rapprochements ? 

Il y a à peu près trois ans, nous avons fait un énorme travail sur notre identité de marque, notre raison d’être et notre mission. Et pas juste par rapport à ce que l’on fait dans la musique, non, en tant que marque à part entière. Nous sommes arrivés à une phrase qui résume exactement ce que l’on est : « Nous encourageons le talent de chacun pour créer l’extraordinaire. » Cela ne s’arrête pas à fabriquer des montres. Nous avons cette volonté permanente de soutenir et mettre en avant des talents pas encore connus, en espérant que ça crée des étincelles et avant d’exploser sur la durée.

Comment avez-vous choisi ces talents de la série 180. Certains sont déjà plus ou moins connus, plus ou moins confirmés, mais on sent quil y a quand même une sélection sacrément pointue.

Je suis entouré de plein de jeunes et moins jeunes dans la société qui regardent et écoutent tout. Ce sont eux qui viennent avec les propositions. Alors, on commence à bosser, et on voit à quoi ça ressemble.

Vous avez un épisode préféré ?

J’en ai deux. La rencontre entre Che Lingo et Gaika, tournée à Londres (par David Tomaszewski). Et forcément, celui entre THe LYONZ et Betta Lemme. Ce qui me fait réagir d’abord, c’est un son, une ambiance, un style. Je le dis souvent, je ne suis spécialiste de rien et amateur de tout. Ce matin, je suis venu travailler en écoutant Al Jarreau. Arrivé au bureau, j’ai écouté Celeste. Et là, juste avant qu’on se parle, ma fille m’a envoyé des titres de Joy Brooks. J’y vais à l’instinct et au goût. C’est ça qui m’a séduit dans ces épisodes, avec ces artistes.

Dans cet esprit de collaboration, vous aviez aussi donné vie à une idée assez folle en 2020 en invitant le duo français Synapson à créer un morceau en sinspirant de lenvironnement du Brassus, là où se trouve votre manufacture. Leur création intitulée “Supersonnerie” est un hommage à ce qui constitue possiblement la montre la plus complexe au monde, et par extension linstrument de musique le plus complexe serait-on tenté de dire… Là encore, doù vient lidée ?

Tout part d’une réflexion de rupture. On dit à quelqu’un : « Inspire-toi des sons que tu vas capter dans cet environnement, et voyons ce qu’il en sort. » J’ai adoré cette idée – qui n’était pas de moi – de créer un morceau qui n’est pas formaté, le résultat est top. Après, le casting ne doit rien au hasard. Nous avions déjà collaboré avec les Synapson sur des événements. On savait qu’ils adorent la marque. Ils ont adhéré à l’idée et y sont allés à fond. Je crois qu’ils ont été vraiment heureux de composer cette chanson Et du côté horloger de la relation, ça a provoqué un début de réflexion chez nous qui, j’espère, un jour, verra le jour. Aujourd’hui, sur un téléphone, on peut choisir sa sonnerie. Moi, j’aimerais que ma montre à sonnerie puisse faire la même chose demain. Imaginez que vous, monsieur le client, au moment où vous commandez votre montre SuperSonnerie, on vous donne cinq ou six options de mélodies qui vous parlent personnellement. Ce serait le luxe ultime. Mais c’est extrêmement compliqué. 

Vous êtes réputé pour être un grand amateur de musique, et vous dites dailleurs joliment que « la musique a le pouvoir de rassembler les gens et de toucher nos âmes ». Philosophiquement, voyez-vous des ponts entre ces deux mondes, la musique et lhorlogerie ?

Évidemment ! Si l’horlogerie n’est pas universelle, le temps l’est, de la même façon que la musique. C’est un art qui est partout, qui touche tout le monde. Chez Audemars Piguet, j’en ai conscience, nous n’allons pas vendre des montres à tout le monde, et d’ailleurs, ce n’est pas le but. Mais nous sommes une marque qui ne s’endort pas sur ses lauriers, qui cherche en permanence l’amélioration et le mieux pour ses collaborateurs et ses clients. Et à travers la musique, il y a une volonté de les emmener sur le territoire du rêve, de créer des rencontres, d’initier un dialogue, tout en restant ancré à notre ADN.

La série 180 

Composée de cinq épisodes, chacun produit par un réalisateur différent, la minisérie 180 retrace l’extraordinaire défi lancé par Audemars Piguet à cinq groupes d’artistes musicaux prometteurs. Cette mission les a poussés à sortir de leur zone de confort pour inventer une bande-son collaborative originale mêlant différents univers créatifs. Les cinq épisodes ainsi que les making of sont à découvrir sur le site d’Audemars Piguet :

  1. LE LANGAGE DES ÂMES – Cindy Bruna x Tchakø – Réalisation : Anissa Bonnefont
  2. COME AROUND – Betta Lemme x THe LYONZ – Réalisation : Sixteen Pads
  3. PARADISE – Jeanne Added x Tshegue x Les Twins – Réalisation : Original Kids
  4. GOLD – Crystal Murray x Oklou – Réalisation : Adrien Wagner
  5. RESURRECT – Che Lingo x Gaika – Réalisation : David Tomaszewski
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