Par Antonin Gratien
Chaud devant, chaud ! 100 % l’EXPO fait son retour en fanfare à la Villette jusqu’au 30 avril, dans le cadre du festival du même nom organisé par l’institution. Comme pour les années précédentes, plusieurs dizaines de jeunes diplômés issus des plus prestigieuses écoles (avec des partenaires historiques tels que l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, mais aussi de entrants inédits comme Kourtrajmé), présentent le fruit de leur travail dans un double objectif. Que ces nouveaux acteurs bénéficient d’un tremplin professionnel et, aussi, offrir aux publics un panorama du dynamisme transversal de l’art contemporain. Ce à l’appui d’une audacieuse scénographie prenant ouvertement le contrepied du modèle traditionnel, et parfois un tantinet guindé, de la foire.

Une jungle sensorielle
Ici pas de « box », ni de stands. Aucune répartition géographique délimitée entre les différents médiums mobilisés, ou sujets évoqués. À l’occasion de 100% l’EXPO les quelque 3 500 m2 bruts de la Grande Halle de la Villette ce sont transformés en un « espace jungle » un peu déroutant, et particulièrement réjouissant, où une installation vidéo illustrant les pérégrinations hallucinatoires du « Google Dinosaur » (celui qui pop sur notre écran, lorsque la Wifi lâche) côtoie en bon voisinage une réflexion photographique sur le péril du tourisme de masse à Ibiza. Bref, les rouages consacrés du « parcours » de salon ont volé en éclats.
Et à Ines Geoffroy, commissaire de l’exposition, d’en confier la raison : « nous aspirions à mettre sur pied une déambulation libre, sans carcans thématiques, où les visiteurs pourraient évoluer dans un lieu aéré en s’orientant au gré de sollicitations sensorielles ». Pari réussi. Ici c’est une bande-son techno qui nous happe, là le mouvement d’un automate perçu du coin de l’œil. Ailleurs les flamboyantes couleurs d’assemblages textiles poussent à réviser notre trajectoire. Gardez les paupières ouvertes, vos oreilles bien tendues : dans cet inattendu musée de la relève artistique, les œuvres sont partout. Suspendues au plafond, disposées sur des murs en hauteur, agencées en contrebas… Quelques-unes trônent même dans le parc de la Villette.
Avec, au rendez-vous, des propositions plastiques pluri-disciplinaires (vêtements, installations immersives, sculptures…) brassant divers champs d’études, allant du travail de mémoire autour de la colonisation jusqu’à la visibilisation des communautés LGBTQI+, en passant par une réflexion sur la crise écologique – un sujet cher à la Villette qui, en accord avec sa ligne écoresponsable, s’est fait un devoir (et challenge) de constituer sa scénographie exclusivement à partir de récup’.

Plein phare sur une nouvelle génération diversifiée
Décloisonné dans son organisation scénique, et pluriel tant dans les médiums exposés que les sujets abordés, 100 % l’EXPO s’efforce d’être le fidèle écho qu’une création en ébullition, qui ne cesse d’élargir les horizons de « l’art contemporain ». Dans cette optique impossible pour la Villette de ne pas convier à ce rendez-vous, outre les acteurs canoniques que sont les écoles, de nouveaux incontournables : les collectifs.
Après que 16am ai électrisé par ses poésies la soirée de vernissage de l’évènement, le 4 avril dernier, d’autres organisations disposeront d’une carte blanche pour faire résonner entre les murs de la Grande Halle la polysémie de la scène émergente. Au menu, un speedating pro entre artistes et représentants de la culture chapeauté grâce au collectif diamètre/a, et plusieurs rencontres organisées par Les chichas de la pensée autour de la place de la fête dans nos quotidiens.

Côté ciné, la salle Boris Vian accueillera une grappe de projections regroupant les projets d’ex-élèves de la Fémis, et de l’école Kourtrajmé. Un moyen, pour la Villette, d’insuffler une nouvelle dimension à l’ambition placée au cœur de 100 % l’EXPO : faire entendre auprès du grand public la voix alerte d’une jeunesse artistique qui, après deux ans de monde culturel rendu exsangue par le covid, se révèle bien décidée à maintenir sa tête hors de l’eau. Et définir de concert, collectivement, les contours de l’esthétique de demain.